le 12/07/2017

Modalités de contestation du droit de préemption urbain : la clarification bienvenue du Conseil d’Etat

CE, 10 mai 2017, Société ABH Investissements, n° 398736, mentionnée aux tables du Recueil

Par une décision en date du 10 mai 2017, le Conseil d’Etat a précisé les conditions de contestation du droit de préemption urbain et plus particulièrement de l’acte instituant le droit de préemption dans le cadre des recours contre les décisions individuelles de préemption :

« 3. L’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a pour base légale le premier acte ou été prise pour son application. En outre, s’agissant d’un acte non réglementaire, l’exception n’est recevable que si l’acte n’est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où, l’acte et la décision ultérieure constituant les éléments d’une même opération complexe, l’illégalité dont l’acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

4. L’illégalité de l’acte instituant un droit de préemption urbain peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision de préemption. Toutefois, cet acte, qui se borne à rendre applicables dans la zone qu’il délimite les dispositions législatives et réglementaires régissant l’exercice de ce droit, sans comporter lui-même aucune disposition normative nouvelle, ne revêt pas un caractère réglementaire et ne forme pas avec les décisions individuelles de préemption prises dans la zone une opération administrative unique comportant un lien tel qu’un requérant serait encore recevable à invoquer par la voie de l’exception les illégalités qui l’affecteraient, alors qu’il aurait acquis un caractère définitif ».

Ainsi, selon le Conseil d’Etat, l’acte instituant le droit de préemption urbain ne constitue pas un acte réglementaire et ne forme pas une opération complexe avec les décisions individuelles de préemption.

Dès lors, l’illégalité de l’acte instituant le droit de préemption urbain ne peut plus être soulevée dès lors que celui-ci se borne à délimiter le périmètre du droit de préemption urbain conformément aux dispositions législatives et réglementaires applicables, et qu’il est devenu définitif.

Le Conseil d’Etat confirme ainsi la jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 8 juillet 2008, n° 05PA02723, mentionné aux Tables) et censure les positions récentes inverses de la Cour administrative de Marseille (voir notamment CAA Marseille, 15 mars 2012, n° 10MA01865).

Cette jurisprudence est ainsi favorable aux autorités préemptrices puisqu’elle limite les griefs pouvant être soulevés à l’occasion des recours contre les décisions individuelles de préemption.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat profite de cette décision pour préciser les conditions de notification de la décision de préemption au propriétaire. Celle-ci peut être effectuée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie d’Huissier. En cas de lettre recommandée, la réception intervient à la date à laquelle le pli est présenté pour la première fois à l’adresse indiquée par la déclaration d’intention d’aliéner tandis qu’en cas de signification par voie d’Huissier, celle-ci doit être réputée effective dans les conditions prévues par l’article 656 du Code de procédure civile.