le 08/07/2021

Même en l’absence de texte, la prescription de l’action en répétition de l’indu de rémunération d’un agent public est interrompue par un recours juridictionnel jusqu’à l’extinction de l’instance

CE, 1er juillet 2021, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, req n°434665, publié au Recueil

Un agent contractuel du Ministère de l’Education nationale placé en congé de maladie ordinaire puis en congé de longue maladie a continué à percevoir sa rémunération tout en percevant des indemnités journalières de la sécurité sociale. Le ministre a alors émis à son encontre des titres de perception entre les années 2011 et 2013.

L’agent a sollicité et obtenu du Tribunal administratif l’annulation de ces titres. Saisie par le ministre, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, en rappelant la jurisprudence Anne Marie A[1] du Conseil d’Etat, selon laquelle en cas d’annulation d’un titre de perception pour vice de forme, il appartient au juge administratif saisi de conclusions en ce sens de subordonner la restitution des sommes perçues à l’absence d’adoption de nouveaux titres exécutoires réguliers, dans un délai qu’il lui appartenait de fixer.

Mais la Cour a considéré qu’à la date de l’annulation de ces titres exécutoires, en 2017, la prescription biennale était acquise, dès lors que l’action de la requérante devant le Tribunal administratif ne l’avait ni interrompue ni suspendue, et rejeté l’appel du ministre.

Le Conseil d’Etat, saisi du pourvoi du Ministre, a pu à l’occasion de ce litige compléter sa jurisprudence Anne Marie A précitée.

En effet, les dispositions de l’article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, instituant la prescription biennale, ne prévoient pas explicitement de causes d’interruption de prescription, à l’inverse par exemple des dispositions relatives à la prescription quadriennale.

La Haute Juridiction a donc fait œuvre prétorienne et jugé « qu’en l’absence de toute autre disposition applicable, les causes d’interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de cet article 37-1 sont régies par les principes dont s’inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil », lesquelles mentionnent entre autres causes d’interruption le recours en justice,

Ainsi, le recours de l’agent contre les titres de perception avait bien interrompu le délai prescription biennale, et permettait bien au Ministre de régulariser les titres de perception émis et annulés, de sorte que Conseil d’Etat a renvoyé l’affaire devant la Cour.

Cette décision à paraitre au Recueil, anticipe une prochaine rédaction de l’article 37-1, puisqu’à compter du 1er janvier 2022, l’article 37-1 précité renverra à l’article L.274 du livre des procédures fiscale qui fixera la prescription de l’action en recouvrement des sommes indument versés par l’administration à ses agents à quatre ans, « sous réserve de causes suspensives ou interruptives de prescription ».

[1] CE, 11 décembre 2006, Anne Marie A, req n° 280696, au recueil