Le marché conclu avec le lauréat d’un concours, peut être signé sans qu’un délai de stand-still doive être respecté, y compris si la valeur du marché dépasse les seuils de procédure formalisée.
Cette précision est apportée par le Conseil d’État à l’occasion d’un référé contractuel dirigé contre un contrat de maîtrise d’œuvre portant sur la construction d’une nouvelle médiathèque, conclue entre la commune de Migennes et un groupement qui avait précédemment été déclaré lauréat d’un concours organisé par la collectivité à cet effet.
Un candidat évincé, également lauréat du concours, mais écarté de la procédure à la suite de la phase de négociation ayant précédé l’attribution du contrat, a d’abord saisi le Juge des référés du Tribunal administratif de Dijon d’un référé précontractuel qui a été rejeté, le contrat ayant déjà été signé à la date de saisine du tribunal. Le candidat évincé a ensuite saisi le même tribunal d’un référé contractuel, qui a également été rejeté, puis a saisi le Conseil d’État d’un pourvoi contre cette ordonnance.
Le Conseil d’État confirme néanmoins l’ordonnance du tribunal et rejette tous les moyens soulevés par le requérant.
D’une part, il affirmait que l’ordonnance du juge des référés était entachée d’une erreur de droit dès lors que ce dernier avait considéré que l’obligation de respecter un délai de stand-still de onze jours entre la date d’envoi de la notification de rejet des offres et la date de signature du marché par l’acheteur, prévu par l’article R. 2182-1 du Code de la commande publique, ne s’appliquait pas au cas d’un marché attribué au lauréat d’un concours.
En effet, le respect de ce délai de stand still ne s’impose qu’à la signature des marchés passés selon une procédure formalisée, le requérant affirmait donc que la procédure d’attribution au lauréat d’un concours devait être considérée comme une procédure formalisée.
Le Conseil d’État a préféré suivre les conclusions du rapporteur public, M. Nicolas LABRUNE, qui avait conclu que ni le code de la commande publique ni les textes européens ne prévoient que cette technique d’achat constitue une procédure formalisée. Les textes prévoient au contraire que le marché conclu avec le lauréat d’un concours à l’issue de ladite procédure l’est sans publicité ni mise en concurrence préalable, et ce y compris si ce marché dépasse le seuil de la procédure formalisée.
Le juge administratif suprême confirme donc que le marché conclu avec le lauréat d’un concours n’est pas une procédure formalisée et confirme l’ordonnance du tribunal :
« Le respect du délai de suspension prévu à l’article R. 2182-1 du Code de la commande publique n’est exigé que pour les marchés qui sont passés selon une procédure formalisée et pour lesquels la publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne est imposée et, d’autre part, qu’un marché de maîtrise d’œuvre conclu par le maître d’ouvrage avec l’un des lauréats d’un concours restreint n’a pas à être passé selon une procédure formalisée, quand bien même il répondrait à un besoin dont le montant est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée et qu’un avis de concours devrait être publié en application de l’article R. 2162-15 du même code ».
Le respect d’un délai de stand-still n’est donc pas obligatoire lors de la conclusion d’un marché avec le lauréat d’un concours, peu importe la valeur du marché en question.
D’autre part, le requérant relevait que, indépendamment des obligations prévues par les textes, la commune de Migennes avait informé les candidats de son intention de respecter un délai de stand-still avant la signature du contrat, ce qu’elle n’a finalement pas fait. Le requérant considérait que cela constituerait un manquement de nature à justifier la saisine du juge du référé contractuel.
La requérante se fondait ici sur le principe jurisprudentiel selon lequel l’administration se doit de respecter les règles de procédure qu’elle a librement décidé de s’imposer (CE, 10 octobre 1994, Ville de Toulouse, n° 108691). Toutefois le Conseil d’État avait déjà eu l’occasion de rejeter l’application de ce principe jurisprudentiel dans le cas de la saisine du juge du référé contractuel (CE, 25 octobre 2013, Commune de la Seyne-sur-Mer, n° 370393).
Le Conseil d’État a maintenu sa jurisprudence sur cette question, considérant que les manquements entrant dans l’office du juge du référé contractuel sont fixés limitativement par la loi et que l’irrespect d’un délai auquel s’astreint librement la personne publique ne fait pas partie des manquements en question.
Le Conseil d’État constate donc que le Juge des référés du Tribunal administratif de Dijon n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant le référé contractuel au vu de l’absence de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence préalable.
Le pourvoi du requérant a donc été rejeté.