le 15/02/2018

Le mandat de gestion immobilière peut-être confirmé en l’absence d’un écrit

Cass., civ., 1ère, 20 septembre 2017, n° 16-12.906

La Cour de Cassation dans un arrêt du 21 septembre 2017 vient d’opérer, à la lumière de la réforme du droit des obligations issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, un revirement de jurisprudence  notable en matière de mandat de gestion immobilière.

En effet, la Cour de cassation  par cet arrêt vient d’admettre que le non-respect des exigences de forme du mandat de gestion immobilière issues de la loi Hoguet est sanctionné d’une  nullité relative et qui en l’absence de contestation a pu être couverte par la confirmation du mandat a posteriori.

En l’espèce, un propriétaire a confié la gestion locative de deux immeubles lui appartenant à un agent immobilier, selon un mandat écrit d’une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction jusqu’au 1er janvier 1999.

En 2000, le propriétaire est décédé et l’agent immobilier a continué la gestion des immeubles pour le compte des héritiers du propriétaire. Sept années plus tard, ces derniers décidaient de mettre un terme à ce contrat de mandat de gestion immobilière.

Les héritiers, soutenaient qu’entre 2000 et 2007, l’agent immobilier avait géré les immeubles sans détenir de mandats écrits, de sorte qu’il n’avait droit à aucune rémunération ni indemnisation, et l’ont assigné en restitution des honoraires indûment payés durant cette période.

La cour d’appel de Versailles a débouté les héritiers de toutes leurs demandes en se fondant sur le caractère probatoire de l’écrit. Pour la Cour, si un mandat non signé n’est en principe pas valable, il peut néanmoins produire ses effets s’il existe des circonstances de fait qui démontrent la réalité du consentement de la partie non signataire.

La cour de cassation confirme la solution retenue par la cour d’appel, sans toutefois reprendre à son compte l’argumentation soulevée. Elle juge en effet que : « les consorts X ont poursuivi leurs relations avec le mandataire de leur auteur, sans émettre la moindre protestation sur la qualité des prestations fournies ou les conditions de leur rémunération, dont l’agent immobilier leur a rendu compte de façon régulière et détaillée, avant qu’ils ne mettent un terme à sa mission sept ans plus tard, dans les formes et conditions stipulées sur les mandats écrits que celui-ci leur avait expédiés pour signature ; que de ces motifs, faisant ressortir que les consorts X avaient ratifié,  en connaissance de cause, des actes et coût de cette gestion locative., la cour a pu déduire que les restitution des honoraires perçus était injustifiée » (Cass, 1ère Civ, 20 septembre 2017, n° 16-12.906).

Rappelons que jusqu’à récemment encore, la Cour de cassation jugeait que les dispositions de la loi Hoguet n° 70-9 du 2 janvier 1970 constituaient des règles d’ordre publique encourant, en cas de non-respect, une nullité absolue (Cass. civ. 2 décembre 2015 n°14-17211).

L’arrêt commenté intervient cependant après l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, d’après laquelle la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général et relative lorsque cette règle a pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

Cette évolution a indéniablement conduit la Cour à apprécier différemment l’objectif poursuivi par certaines des prescriptions formelles que doit respecter le mandat de l’agent immobilier. 

Déjà, par un revirement de jurisprudence important, la Chambre mixte avait déjà décider que, lorsqu’elles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire la méconnaissance des règles de formalisme est sanctionnée par une nullité relative (Chbre mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20.411, P+B+R+I).

L’arrêt rendu le 20 septembre 2017 par la  première chambre civile s’inscrit donc dans la continuité de l’arrêt rendu en chambre mixte et pousse le raisonnement amorcé en, en tirant comme conséquence que le non-respect du formalisme légal du mandat est sanctionné par la nullité relative et que celle-ci peut donc  être couverte par la ratification ultérieure des actes de gestion accomplis sans mandat.

En conclusion, deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :

Dans un premier temps, la Cour rend sa décision au visa de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations et écarte la règle traditionnelle de la survie de la loi ancienne pour les contrats conclus avant son entrée en vigueur (règle rappelé à l’article 9-2 de cette ordonnance).

En réalité, cependant, la distinction entre nullité relative et nullité absolue fondée sur l’intérêt que le législateur a entendu protéger, n’est pas une norme nouvelle de 2016. L’ordonnance n’a fait sur ce point que consacrer une solution jurisprudentielle déjà admise depuis longtemps.

Il serait donc sans doute plus juste de dire que la Cour de cassation interprète les lois, à la lumière des dispositions nouvelles de l’ordonnance de 2016, y compris aux contrats antérieurs à l’entrée en vigueur de celle-ci

Puis, dans un second temps, la Cour de cassation confirme la sanction de la nullité relative concernant les règles de protection du mandant issue de la loi Hoguet et en applique la conséquence, à savoir, qu’il peut être fait échec aux effets d’une nullité relative grâce à une ratification a posteriori.