Economie sociale et solidaire
le 19/05/2022
Donya BURGUETDonya BURGUET

Loi « séparatisme » : quelles conséquences pour les fonds de dotation ?

Loi n° 2008-776 du 4 août 2088 de modernisation de l’économie

Introduit par l’article 40 de la loi n° 2008-776 datant du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le fonds de dotation est un outil efficace au service du mécénat. Bénéficiant de modalités de constitution simples et rapides, les fonds de dotation sont prisés aussi bien par les personnes privées que par les collectivités.

A l’inverse des associations et des fondations, les fonds de dotation ne peuvent pas recevoir de fonds publics. Néanmoins, tout comme ces autres structures à but non lucratif, les fonds de dotation ont été fortement impactés par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite « loi séparatisme ».

I. Dispositions propres aux fonds de dotation

L’article 17 de cette loi renforce le contrôle des fonds de dotation : l’autorité administrative est tenue de vérifier non seulement la régularité du fonctionnement du fonds de dotation, mais également la conformité de son objet à la définition légale d’un fonds de dotation.

La loi impose désormais au fonds de dotation l’obligation d’établir un rapport d’activité annuel, transmis à l’autorité administrative chargée de son contrôle, dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice, soit pour un exercice social prenant fin le 31 décembre, une transmission avant le 30 juin, ajoutant ainsi une obligation légale de respect d’un délai au-delà duquel une sanction pourra s’appliquer.

Cette obligation vaut aussi pour la transmission, dans le même délai, des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes.

A défaut de transmission, l’autorité administrative peut, après une mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de deux mois, suspendre, par décision motivée, l’activité du fonds de dotation jusqu’à leur transmission effective. Les décisions de suspension et de levée de suspension doivent alors faire l’objet d’une publication au Journal officiel dans un délai d’un mois. La suspension du fonds de dotation est levée lors de la transmission aux autorités des documents demandés.

En l’absence de réponse dans un délai de six mois suivant la suspension ci-dessus mentionnée, la même autorité pourra alors saisir l’autorité judiciaire aux fins de dissolution du fonds de dotation dans un délai de deux mois suivant une mise en demeure non suivie d’effet.

Le pouvoir de l’autorité administrative de suspendre l’activité d’un fonds de dotation et, le cas échéant, de saisir l’autorité judiciaire pour en demander la dissolution se trouve également étendu à d’autres cas de figure. Ainsi, dans les deux mois suivant une mise en demeure infructueuse, l’autorité administrative pourra décider de suspendre l’activité du fonds de dotation pour une durée pouvant aller jusqu’à 18 mois et, le cas échéant, saisir l’autorité judiciaire pour en demander si dissolution, si elle constate :

  • que l’objet du fonds de dotation méconnaît la définition légale d’un fonds de dotation, telle qu’énoncée à l’article 140, I de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
  • que des dysfonctionnements affectent la réalisation de son objet ;
  • que l’une de ses activités ne relève pas d’une mission d’intérêt général ;
  • ou qu’il méconnaît les obligations de transmission de ses documents administratifs et comptables, ci-dessus mentionnées.

II. Dispositions générales impactant les fonds de dotation

En premier lieu, la « loi séparatisme » fait obligation au fonds de dotation – tout comme pour les associations et les fondations – de présenter un état séparé des avantages et ressources provenant de l’étranger dont il bénéficie, cet état devant faire l’objet d’une annexe aux comptes annuels du fonds de dotation et être ainsi transmis aux autorités administratives dans les conditions précédemment citées.

En deuxième lieu, les fonds de dotation ont désormais l’obligation, depuis le 1er janvier 2022, de souscrire à un contrat d’engagement républicain s’ils souhaitent obtenir l’agrément nécessaire pour recevoir des volontaires dans le cadre d’un service civique.

Par ailleurs, les fonds de dotation se voient appliquer les dispositions nouvelles relatives à l’émission de reçus fiscaux. Comme tout autre organisme délivrant des reçus ouvrant droit à avantage fiscal, les fonds de dotation doivent dorénavant déclarer annuellement le montant global des ressources dont ils ont pu bénéficier dans ce cadre ainsi que le nombre de documents qu’ils auront délivrés au cours de l’exercice précédant leur déclaration. Cette déclaration doit être réalisée dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice. L’absence d’une telle déclaration pourra être sanctionnée d’une amende de 1.500 €.

Cette obligation déclarative est applicable aux reçus fiscaux délivrés au titre des dons et versements reçus à compter du 1er janvier 2021 ou au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021. Les organismes devront ainsi déclarer dès 2022 le montant total des dons et versements reçus en 2021 et pour lesquels ils ont émis des reçus fiscaux.

Enfin, les donateurs souhaitant bénéficier d’une réduction d’impôts devront quant à eux être en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, les pièces justificatives attestant la réalité des dons et versements. La réalité du versement des dons est donc désormais contrôlée par l’administration.

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Si ces nouvelles dispositions vont dans le sens d’une plus grande transparence du fonctionnement des fonds de dotation, un renforcement généralisé des contrôles des organismes collecteurs de dons s’accompagne également d’une défiance vis-à-vis des acteurs du secteur, et conduit à s’interroger sur la mise en œuvre concrète de ces dispositions par les autorités publiques.