le 02/02/2017

L’obligation de reprise des déchets issus de matériaux, produits et équipements de construction est conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution

Cons. const., 17 janvier 2017, Obligation de reprise des déchets issus de matériaux, produits et équipements de construction, décision n° 2016-605 QPC

Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 17 janvier 2017, a déclaré conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution les dispositions de l’article L. 541-10-9 du Code de l’environnement, créé par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, qui institue une obligation de reprise des déchets issus des matériaux, produits et équipements de construction.

En application de ces dispositions, depuis le 1er janvier 2017, « tout distributeur de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels s’organise, en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités compétentes, pour reprendre, sur ses sites de distribution ou à proximité de ceux-ci, les déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels, qu’il vend ».

Ces dispositions ont été précisées par le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets, codifié aux articles D. 543-288 et suivants du Code de l’environnement. Celui-ci fixe notamment la surface de l’unité de distribution à partir de laquelle les distributeurs sont concernés par l’obligation de reprise.

Le non-respect de cette obligation est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende (article L. 541-46 du Code de l’environnement).

La Confédération française du commerce de gros et du commerce international, auteure de la question prioritaire de constitutionnalité, soutenait que les dispositions précitées étaient imprécises et étaient, de ce fait, entachées d’incompétence négative dans des conditions de nature à porter atteinte à la liberté d’entreprendre et au principe d’égalité.

Elle considérait également que cette imprécision portait atteinte au principe de légalité des délits et des peines, et que les dispositions contestées portaient directement atteinte à la liberté d’entreprendre, à la liberté contractuelle et au principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil constitutionnel a écarté l’ensemble de ces moyens.

Il a considéré, en premier lieu, que les dispositions en cause étaient suffisamment précises et ne méconnaissaient pas la liberté d’entreprendre.

A cet égard, les Sages ont d’abord relevé que l’objectif poursuivi, à savoir limiter le coût de transport des déchets issus du bâtiment et des travaux publics et éviter leur abandon en pleine nature, était d’intérêt général.

Ils ont ensuite indiqué que les débiteurs de l’obligation de reprise, qui concerne les distributeurs s’adressant, à titre principal, aux professionnels du bâtiment et de la construction, c’est-à-dire aux « principaux pourvoyeurs des produits, matériaux et équipements de construction dont sont issus » les déchets concernés, étaient identifiables.

Ils se sont enfin assurés que l’obligation mise en place est suffisamment délimitée au regard de la liberté d’entreprendre.

À ce titre, le Conseil constitutionnel a relevé que « le législateur pouvait, sans méconnaître sa compétence, renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de la surface d’unité de distribution à partir de laquelle les distributeurs sont assujettis à l’obligation ainsi créée ». On rappellera en effet que, en matière d’obligations civiles ou commerciales, la compétence du législateur se limite, conformément à l’article 34 de la Constitution, à la détermination des principes fondamentaux.

Le Conseil constitutionnel a ensuite constaté que les déchets objets de l’obligation devaient répondre à la double condition d’être « issus de matériaux de même type que ceux vendus par le distributeur », et remis par les seuls professionnels, pour en conclure que le législateur avait « suffisamment défini la nature des déchets remis par les professionnels qui font l’objet de l’obligation de reprise ».

Il a encore considéré que le distributeur était libre de décider des modalités, notamment financières, selon lesquelles il accomplira l’obligation de reprise qui lui incombe.

Enfin, le Conseil constitutionnel a répondu à l’argument avancé par l’association requérante selon lequel le législateur n’avait pas fixé de limite en volume à l’obligation de reprise. Il s’est, sur ce point, appuyé sur le fait que « le législateur a fait dépendre l’obligation de reprise de l’activité principale du distributeur ». Il en a déduit que le législateur avait « entendu limiter celle-ci dans une mesure telle qu’il n’en résulte pas une dénaturation de cette activité principale ».

Le Conseil constitutionnel a, en deuxième lieu, écarté le moyen pris de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi entre les distributeurs s’adressant exclusivement à des professionnels du bâtiment et des travaux publics et ceux qui s’adressent à ces mêmes professionnels seulement à titre accessoire.

Sur ce point, il a en effet jugé que les distributeurs visés à l’article L. 541-10-9 du Code de l’environnement étaient les principaux fournisseurs des professionnels et « ne sont pas placés, au regard de l’impact de leur activité dans la production des déchets objets de l’obligation de reprise, dans la même situation que les distributeurs s’adressant aux mêmes professionnels à titre seulement accessoire ».

La différence de traitement est donc justifiée par la différence de situation entre les différentes catégories de distributeurs.

Le Conseil constitutionnel a, en troisième lieu, écarté sans plus de motivation les moyens pris de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines et de la liberté contractuelle.

On relèvera que ces dispositions sont sources d’inquiétudes pour les collectivités territoriales compétentes en matière de déchets.

En effet, le caractère opérationnel de la mesure ainsi prévue est critiqué et les collectivités craignent que, face à l’insuffisance des déchetteries professionnelles, les flux de déchets soient dirigés vers des déchetteries publiques qui ne sont pas adaptées pour accueillir les déchets concernés.