le 17/12/2015

L’obligation de neutralité des agents publics conforme à la CEDH

CEDH, 26 novembre 2015, n° 64846/1

Par un arrêt en date du 26 novembre 2015, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté le recours introduit contre la France d’une assistante sociale exerçant dans un centre hospitalier dont le contrat n’avait pas été renouvelé en raison du port d’un voile manifestant une appartenance à la religion musulmane.

La requérante soutenait en effet que cette décision était contraire à l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH), selon lequel « la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de la santé ou de la morales publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

La requérante soutenait notamment qu’à la date du refus de renouvellement de son contrat, soit le 11 décembre 2000, aucun texte de loi n’interdisait de manière expresse à un agent public le port d’un signe religieux dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. La requérante a en effet fait valoir que l’avis du Conseil d’Etat du 3 mai 2000, Mlle Marteau (n° 217017) invoqué par le Gouvernement, ne visait, selon la requérante, que les services publics de l’enseignement et qu’aucun autre texte n’interdisait le port de signe religieux dans le cadre de l’exercice des fonctions. La requérante a également fait valoir que cette décision constituait une ingérence à sa liberté de manifester sa religion ne poursuivant pas de but légitime dès lors que le port du voile n’a créé aucun incident ou trouble au cours de l’exercice de ses fonctions au sein du centre hospitalier.

La Cour a estimé que la décision de l’administration constituait effectivement une ingérence dans son droit à la liberté de manifester sa religion, répondant toutefois à toutes les garanties posées à l’article 9 de la Convention. A cet effet, la Cour a reconnu que l’avis du Conseil d’Etat indiquait clairement que le principe de laïcité de l’Etat et la neutralité des services publics s’appliquent à l’ensemble des services publics, de telle sorte que l’agent savait clairement quelles étaient les obligations auxquelles il devait se soumettre. L’agent doit ainsi bénéficier de sa liberté de conscience qui doit être conciliée avec le principe de neutralité du service public, faisant obstacle au port d’un signe destiné à marquer son appartenance religieuse.  

Il est intéressant de noter que la Cour estime que cette exigence de neutralité des agents publics poursuit le but légitime de la protection des droits et libertés d’autrui. En l’espèce, il s’agissait en effet de préserver le respect de toutes les croyances religieuses des patients, usagers du service public, en leur assurant une stricte égalité, ce qui correspond en effet au fondement même de la neutralité des agents des services publics en droit interne, à savoir l’égalité d’accès et de traitement des usagers au service public. La Cour a rappelé que ce type de restrictions était nécessaire dans une société démocratique afin de concilier les intérêts de divers groupes et assurer le respect des convictions de chacun.

Il restait néanmoins à déterminer si cette ingérence était proportionnée au but poursuivi. Face à cette interrogation, la Cour a répondu en commençant par réaffirmer que le principe de laïcité constitue l’expression d’une règle d’organisation des relations de l’Etat avec les cultes impliquant son impartialité à l’égard de toutes les croyances religieuses « dans le respect du pluralisme et du religieux » pour indiquer enfin que la circonstance que les juridictions nationales aient accordé davantage de poids à ce principe et à l’intérêt de l’Etat plutôt qu’à l’intérêt de la requérante de ne pas limiter l’expression de ses croyances religieuses ne contrevenait pas à l’article 9 de la Convention.