Par une décision en date du 30 décembre dernier, le Conseil d’Etat vient préciser les conditions de mise en œuvre d’une compensation légale d’une créance détenue par une personne publique.
Après avoir obtenu le versement d’une subvention pour financer l’agrandissement de ses locaux, une société de négoce de vin est rendue destinataire d’un titre de recette visant à obtenir le reversement de la totalité de l’aide accordée, soit un montant de 514.359,48 euros. Un recours contentieux est introduit en 2016 à l’encontre de ce titre ; la société privée en obtient l’annulation et se voit décharger de l’obligation de rembourser la totalité de la somme réclamée (Conseil d’Etat, 15 novembre 2022, n° 451758.)
En février 2023, la société de négoce de vin a demandé au juge administratif de prendre des mesures d’exécution de sa décision en date du 15 novembre 2022 portant sur l’annulation du titre de perception. Au moment de la notification de cette décision, la société privée s’était, en effet, déjà acquittée d’une somme de 350.607,12 euros auprès de l’administration, visant à rembourser la moitié de la subvention initialement attribuée. A la suite de l’annulation du titre exécutoire correspondant, la société privée a donc sollicité le reversement de la somme de 350.607,12 euros auprès de l’autorité administrative.
L’autorité administrative n’a pas donné suite à cette demande considérant s’être acquittée de son obligation de reverser cette somme en exécution de la décision en date du 15 novembre 2022, en procédant à une compensation légale avec une autre créance qu’elle estimait détenir sur la société de négoce de vin depuis 2018, d’un montant de 889.398,30 euros et qui fait également l’objet d’une contestation par la société devant la juridiction administrative. En pratique, l’autorité administrative a donc diminué cette dernière créance du montant de 350.607,12 euros en exigeant la somme de 711.518,64 euros.
L’autorité administrative se fonde sur les termes de l’article 1347 du Code civil qui prévoient que la compensation permet l’extinction simultanée d’obligations réciproques de deux personnes. En outre, l’article 1347-1 du même code précise que la compensation ne peut avoir lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. Le juge administratif considère que ces dispositions du Code civil sont applicables, en l’absence de dispositions particulières, à une personne publique lorsqu’elle entend procéder à une compensation légale. Toutefois, si la créance en cause demeure litigieuse, celle-ci est privée de caractère certain et ne peut donc donner lieu à une compensation.
En l’espèce, la créance de 2018 demeurant litigieuse, le juge administratif a considéré que l’autorité administrative ne pouvait mettre en œuvre le mécanisme de compensation prévue à l’article 1347 du Code civil pour compenser sa dette de 350.607,12 euros à l’égard de la société de négoce de vin, résultant de la décision du Conseil d’Etat de novembre 2022 qui déchargeait cette société de l’obligation de verser les sommes mises à sa charge par le titre de recette de 2016.
L’administration ne peut donc pas valablement procéder à une compensation légale dans ces conditions et la société privée est fondée à solliciter le remboursement de la somme qu’elle avait versée.
Enfin, on précisera que le juge administratif rappelle que la décision par laquelle il prononce la décharge de l’obligation de payer une somme établie par un titre de recette implique nécessairement la restitution, au bénéficiaire de cette décision, de toutes sommes qu’il aurait préalablement acquittées en exécution de ce titre.