le 29/08/2017

Liberté d’expression et représentation de la femme ne font pas nécessairement bon ménage !

Le Maire de la petite commune de Dannemarie (Haut-Rhin) avait tenté d’expliquer devant le Juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg, que les 125 panneaux plantés en bordure des voies publiques ; réalisés au pinceau par la Première Adjointe, pour célébrer l’année de la femme dans la commune, participaient de la volonté de mettre en valeur la diversité de l’action de l’élément féminin, dans la société.
Mais rien n’y fit !

Saisi par l’association féministe « les effronté(e)s », le juge des référés enjoignait au Maire de retirer tous les panneaux disposés dans différents espaces publics de la commune dans un délai de huit jours sous astreinte de 500 euros par jour de retard et condamnait la commune à verser à l’association, la somme de 1.500 euros au titre de l‘article L. 761-1 du code de justice administrative.

Pour le Juge des référés, en effet, « ces panneaux figurent des accessoires du corps féminin ou des éléments du corps féminin, principalement des lèvres de femmes, ainsi que dans 65 cas, des silhouettes féminines ; (…) les éléments du corps féminin notamment les bouches, sont grossièrement déformées, et les femmes sont représentées d’une manière caricaturale, réduites à un rôle de reproductrice(…) ou parfois même de façon graveleuse, dans des positions dégradantes, ainsi notamment de deux femmes en maillot de bain enlevant leur soutien-gorge, d’une femme très peu vêtue dont l’attitude suggère une situation de racolage ou encore de deux femmes dans une pose lascive. »
Que l’on ait vu ou non les photos de ces panneaux parues dans la presse, on ne peut que sursauter en parcourant ces phrases.

Que les évolutions de la vision des femmes et, notamment, une certaine image libératrice des « sixties » qui a visiblement la préférence de la Première Adjointe au Maire, n’aient pas satisfait tout le monde et notamment des membres d’une association féministe, on le conçoit.

Mais ce qui n’est guère concevable, ce sont les motifs de la décision.
Il convient de rappeler, à cet égard, que le principe est, en effet, en droit administratif, celui de l’exercice plein et entier de la liberté d’expression, la mise en œuvre d’une mesure de police attentatoire à cette liberté demeurant l’exception.
En outre, ladite mesure doit être motivée par un risque réel et sérieux de trouble à l’ordre public ? 0ù est-il ce risque sérieux de trouble public ?
Mais pour le Juge des référés, tout est pourtant simple « la seule présence sur la voie publique de ces illustrations qui dévalorisent les femmes cause un trouble à l’ordre public. »

Pour renforcer ses arguments, le juge a recours également, à la loi du 24 août 2014 et a considéré que la représentation dévalorisante de la condition féminine dans la commune a méconnu les dispositions de cette loi engageant les collectivités à mettre en œuvre des dispositions destinées à lutter contre les stéréotypes sexistes. Elle aurait, donc, commis, ainsi, « une atteinte grave et manifestement illégale au regard du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est une liberté fondamentale ».

S’il est, en effet, urgent de lutter contre la représentation dévalorisante de la condition féminine, dans la société, comme dans une commune, la lutte à engager ne consiste pas comme veut le faire croire l’association «les Effronté(e)s », à obtenir la censure de certaines affiches réalisées par une Première Adjointe au Maire, au prétexte que les œuvres représenteraient des silhouettes de la femme non conformes aux principes définis par la loi, des stéréotypes sexistes.

L’Ordonnance est éloquente à ce propos.
Pour elle, des éléments du corps féminin représentés de façon détachée du corps est par définition, dévalorisant pour l’image de la femme ; que l’essentiel des panneaux soient de simples silhouettes n’est nullement en soi de nature à offrir une image dévalorisante du corps féminin. Il en est de même de ces bouches « grossièrement déformées » évoquant tantôt les lèvres d’un chanteur d’un groupe de pop-music très apprécié pour sa sensualité (Jagger) Il s’agit, comme dans les images issues des lèvres de ce dernier, d’une interprétation, pas d’une caricature.

Enfin, ces panneaux représenteraient des femmes dans une pose lascive, dans une situation de racolage, des femmes caricaturalement représentées réduites à un rôle de reproductrice. Ces mots en disent long sur l’effort faits par le groupe féministe pour détruire le véritable sens de l’apposition des panneaux : animer la commune autour du thème des femmes.

On rappellera qu’au cours de l’année 2017, la municipalité a mis à l’honneur des femmes œuvrant très activement au sein d’associations.
Elle a notamment inauguré une rue au nom de Monique Wittig, théoricienne féministe née dans la commune, qui fut l’une des fondatrices du Mouvement de libération des femmes (MLF).

Si l’on devait apprécier le contenu des panneaux contestés comme n’ouvrant qu’une porte assez étroite au nécessaire débat d’idées sur le grand bond restant à accomplir en matière d’égalité concrète entre les hommes et les femmes, on ne pourrait manquer, en revanche, de souligner le danger que présente la démarche de cette association féministe qui entend imposer ses vues quant à ce qui doit advenir des autres.

A la suivre, la censure se développerait dans tous les domaines à grande vitesse :
-interdits, par exemple, le film qui laisserait apparaître une femme soumise et privée d’éducation rencontrant un intellectuel (« une journée particulière »).
-Interdites les expositions d’œuvres d’art qui laisseraient croire que les femmes ne sont pas douées d’un esprit artistique dans la mesures où leurs œuvres seraient moins nombreuses.
Une telle décision pourrait avoir les pires conséquences pour la liberté d’expression, de création.

La Commune a fait savoir qu’elle ferait appel de cette ordonnance auprès du Conseil d’Etat, et le Maire de Dannemarie qualifie cette décision de « très grave » .
Le Conseil d’Etat rendra, en principe, sa décision le 30 août 2017. Son contenu représentera un grand enjeu pour tous ceux et celles, qui aspirent au respect effectif des libertés fondamentales.