le 22/09/2017

Liberté d’expression et représentation de la femme ne font pas nécessairement bon ménage ! Suite…

CE, 1er septembre 2017, n° 413607

Le Maire de la petite commune de Dannemarie (Haut-Rhin) et sa première adjointe, ont été entendus par le Conseil d’Etat devant lequel la Commune avait relevé appel d’une Ordonnance du Juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg du 9 août 2017.

Ce dernier avait donné gain de cause à une association féministe « Les Effronté(e)s » qui réclamait l’enlèvement des 125 panneaux installés dans plusieurs espaces publics, représentant des  silhouettes féminines , accessoires, chapeaux, sacs, chaussures au motif que ces panneaux, fabriqués par la première adjointe, véhiculaient des stéréotypes sexistes et discriminatoire à l’égard des femmes.

Le juge qui estimait que par ses réalisations, la Commune avait méconnu les dispositions de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui prévoient que les collectivités territoriales mettent en œuvre une politique pour l’égalité comportant des actions destinées à prévenir et à lutter contre les stéréotypes sexistes et ce faisant, avait porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité entre les hommes et les femmes.

Ce qui l’avait conduit à prescrire l’enlèvement des panneaux dans un délai de huit jours sous une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Mais, dans une Ordonnance du 1er septembre 2017, le Conseil d’Etat a annulé l’Ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg

Le Conseil d’Etat précise, à cet égard, que « si certaines discriminations peuvent, eu égard aux motifs qui les inspirent ou aux effets qu’elles produisent sur l’exercice d’une telle liberté, constituer  des atteintes à une liberté fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la méconnaissance du principe de liberté ne révèle pas, par elle-même, une atteinte de cette nature. En l’espèce, il résulte de l’instruction que l’installation des panneaux litigieux n’a pas été inspirée par des motifs traduisant la volonté de discriminer une partie de la population et n’a pas pour effet de restreindre l’exercice d’une ou plusieurs libertés fondamentales. Par suite, la commune de Dannemarie est fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a prescrit l’enlèvement des installations litigieuses au motif qu’elles portaient une atteinte grave et manifestement illégale à l’égalité entre les femmes et les hommes qui est une composante du principe d’égalité ».

Le Juge des référés du Conseil d’Etat a ajouté que les installations affichées par la commune ne sauraient être regardées comme portant au droit au respect de la dignité humaine une atteinte grave et manifestement illégale de nature à justifier l’intervention du juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative dans un délai de quarante-huit heures.

L’Ordonnance du Conseil d’Etat a, naturellement, rassuré tous ceux et celles qui craignaient que la tentative de l’association « les effronté(e)s » de dicter le modèle de femme devant être représenté sur les affiches, dans les films, les œuvres d’art, n’aboutisse.

S’attaquer à la discrimination à l’égard des femmes, en s’appuyant, notamment, sur des instruments, des procédures juridiques, est un objectif incontestable. Mais un tel objectif serait-il atteint si, pour cela, la société devait prohiber toute représentation ancienne de la femme ? si elle devait nécessairement interdire d’exposer le personnage historique de Betty Boop, qui d’ailleurs figurait parmi les panneaux contestés ? si tel ou tel personnage féminin devait disparaître des romans ? et aussi, comme dans le cas dont le Conseil d’Etat était saisi, si les institutions publiques devait promouvoir un idéaltype féminin ?

Mais cela, n’est-ce pas la négation de la liberté, le procédé même qui a été critiqué par tant de féministes ? C’’est l’assignation d’un rôle. Et la violence n’est jamais très loin dans ces circonstances.

On notera, à ce propos, que l’Ordonnance du 1er septembre 2017, indique que « Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2017, l’association « Les Effronté(e)s » concluent au rejet de la requête, à ce qu’il soit enjoint au mire de Dannemarie de récupérer les panneaux mis à disposition des administrés et de « PROCEDER A LEUR DESTRUCTION DANS UN DELAI DE 3 JOURS A  COMPTER DE LA NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE (souligné par nous) » sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard »

Brûler les images et œuvres non conformes ?

A cet égard, les termes de l’Ordonnance du Conseil d’Etat peuvent paraître prudents face à l’atteinte très forte qui était portée à la liberté d’expression, voire à la liberté artistique à l’occasion de l’ordonnance du premier juge des référés.

Ils peuvent paraître peu virulents devant une décision qui trouvait un fondement dans une affirmation telle que : « la seule présence sur la voie publique de ces illustrations qui dévalorisent les femmes cause un trouble à l’ordre public. »

Mais la sérénité accompagnant le raisonnement du Conseil d’Etat était peut-être plus efficace devant des tentatives d’instrumentalisation du droit au profit de conceptions de l’égalité entre les hommes et les femmes évoquant plus les pratiques policières , une vision finalement assez peu différente de celles qui ont contribué à imposer des modèles de comportement aux femmes et aux hommes.