le 14/10/2015

Liaison du contentieux engagé sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle à la suite d’un jugement écartant l’application du contrat

CE, 18 septembre 2015, Commune de Bora-Bora, n° 376973

Par cette décision, le Conseil d’Etat a eu l’occasion d’une part, de préciser les modalités de liaison du contentieux engagé sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle à la suite d’un jugement écartant l’application du contrat et, d’autre part, de rappeler les règles de calcul de l’indemnisation du cocontractant dans cette hypothèse.

En premier lieu, le Conseil d’Etat précise que, lorsque le titulaire d’un contrat écarté par un jugement choisit, non de poursuivre le litige, mais de saisir le Juge d’une nouvelle demande ayant le même objet, mais fondée sur la responsabilité quasi-contractuelle ou quasi-délictuelle de la personne publique, il n’est pas tenu de saisir celle-ci, au préalable, d’une nouvelle demande d’indemnisation.

Ce faisant, cet arrêt s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence Société Citécâble Est par laquelle le Conseil d’Etat avait d’ores et déjà jugé que, lorsque le Juge, saisi d’un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d’office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l’enrichissement sans cause que l’application du contrat frappé de nullité a apporté à l’un d’eux ou de la faute consistant, pour l’un d’eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens qui ne sont pas d’ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles (CE, 20 octobre 2000, Société Citécâble Est, n° 196553).

En second lieu, cet arrêt procède à des rappels importants s’agissant du calcul de l’indemnisation du cocontractant dans l’hypothèse de l’annulation du contrat le liant à l’administration.

Dans un premier temps, s’agissant du montant de l’indemnisation du cocontractant en première instance, il convient de dissocier entre les différents fondements juridiques.

Sur le terrain de l’enrichissement sans cause, le cocontractant peut prétendre au remboursement des dépenses prévues au contrat qui ont été utiles à la personne publique envers laquelle il s’était engagé.

Sur le terrain de la responsabilité pour faute, dans le cas où le contrat a été écarté en raison d’une faute de l’administration, il peut prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute. A ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a effectivement été privé, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée (CE, 10 avril 2008, Société Decaux, n° 244950).

Dans un second temps, le Conseil d’Etat rappelle que si la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d’un fait est recevable à détailler ces conséquences devant le Juge d’appel, elle ne peut le faire qu’à la condition que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l’indemnité chiffrée en première instance.

Ce n’est que lorsque des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement que ce montant peut être augmenté, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.