le 19/03/2020

Les limites de la liberté d’expression d’un représentant syndical

CE, 27 janvier 2020, n° 426569

Si le Conseil d’Etat a jugé à plusieurs reprises, que les représentants syndicaux connaissaient du fait de leurs fonctions syndicales, une large liberté d’expression (CE, 18 mai 1956, Boddaert, n° 15589), il a toutefois rappelé, dans un arrêt du 27 janvier 2020, que celle-ci n’était pas illimitée et devait se concilier avec le respect de leurs obligations déontologiques et notamment leur devoir de réserve.  

En l’espèce, la Haute juridiction a rejeté le pourvoi d’une adjointe administrative territoriale de 2ème classe employée par la Commune de Beaumont-sur-Oise, représentante du personnel au comité technique, qui avait été exclue pour deux jours de ses fonctions par le Maire de cette Commune. Il lui était en effet reproché d’avoir tenu, au cours d’un réunion du comité technique, des propos « particulièrement irrespectueux et agressifs » à l’égard de la Directrice générale des services, qui était présente lors de cette instance en qualité d’experte.  
 
Or, selon les juges du Palais-Royal, si « les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté d’expression particulière qu’exigent l’exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu’ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques. En particulier, des propos ou un comportement agressifs à l’égard d’un supérieur hiérarchique ou d’un autre agent sont susceptibles, alors même qu’ils ne seraient pas constitutifs d’une infraction pénale, d’avoir le caractère d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ». 

Il en résulte que les représentants syndicaux ne peuvent s’affranchir, même dans le cadre de l’exercice de leur fonction syndicale, de leurs obligations déontologiques en tant que fonctionnaire. 

Jusqu’à présent, une étude de la jurisprudence démontrait que seuls les propos considérés comme particulièrement diffamants, outrageants et injurieux et sans lien avec la défense des intérêts professionnels, prononcés par un représentant syndical, pouvaient être sanctionnés (CAA de Bordeaux, 8 novembre 2008, Juliette X C/ Commune de Rémire-Montjoye, rq n° 07BX01721). Avec cet arrêt, le Conseil d’Etat va plus loin puisque désormais, les administrations peuvent sanctionner des représentants du personnel qui prononcerait des propos particulièrement agressifs et irrespectueux même dans le cadre de l’exercice de leur fonction syndicale.  

Le fait est que le juge administratif, dans le cadre de son contrôle entier des sanctions, veille précisément au contexte dans lequel des propos ont été tenus et, lorsqu’ils ne visent pas personnellement l’agent et n’excèdent pas les limites admissibles de la polémique syndicale, annule les sanctions, y compris du premier groupe (Voir, postérieurement à l’arrêt commenté : TA de Dijon, 12 mars 2020, Monsieur K. c/ Pole Emploi, req. n° 1901646).