le 15/10/2020

Les frais de dépollution d’un site industriel : une nouvelle composante de l’indemnité d’éviction ?

CA PAris, 8 juillet 2020, n° 18/23546

Un Office Public de l’Habitat donne en location des locaux commerciaux à une société pour y exploiter une station-service de distribution de produits pétroliers et de vente d’accessoires automobiles. Au terme du bail, il délivre au preneur un congé avec refus de renouvellement avec offre du paiement d’une indemnité d’éviction sur le fondement de l’article L. 145-18 du Code de commerce (considérant un projet de démolition et reconstruction).

De manière assez classique, un désaccord intervient entre les parties sur le montant de l’indemnité d’éviction; le bailleur soutenant notamment qu’il n’avait pas à prendre en charge les frais de dépollution du site. Un expert judiciaire a donc été désigné avec pour mission d’évaluer le montant des indemnités d’éviction et d’occupation.

Aux termes du dépôt de son rapport, l’Expert a ainsi conclu :

  • que l’éviction entraînera la perte du fonds de commerce ;

  • que les frais de dépollution du site devraient être déduits du montant de l’indemnité d’éviction (indemnité principale et accessoires).

En première instance, le Tribunal avait ladite estimé que la société preneuse, en sa qualité de dernier exploitante du site, devait se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale (ICPE), notamment en faisant réaliser les diagnostics prévus par la loi et en faisant le cas échéant dépolluer les lieux pris à bail à ses frais.

En effet, en application de l’article L. 110-1, II-3° du Code de l’Environnement, ainsi que da la jurisprudence constante en la matière, le preneur devrait – en sa qualité de dernier exploitant du site – se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale, et partant prendre en charge la dépollution des lieux.

La société preneuse a interjeté appel de ce même jugement.

Contre toute attente, la cour d’appel de Paris rompt avec ce principe au visa de l’article L. 145-14 du Code de commerce, rappelant ainsi que l’indemnité d’éviction doit couvrir l’entier préjudice subi par le locataire du fait du défaut de renouvellement du bail.

Par voie de conséquence, en l’espèce, la Cour a considéré que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs, étaient directement liés à l’éviction commercial de la société et partant, à l’arrêt définitif de l’exploitation. Ils devaient donc être indemnisés au titre des indemnités accessoires.