le 17/03/2015

Droit des contrats : les contrats passés par l’exploitant d’un ouvrage public pour la réalisation de travaux sont en principe des contrats de droit privé

T. Conflits, 16 juin 2014, Sté d’exploitation de la Tour Eiffel / Sté Séchaud-Bossuyt et a. : jurisdata 2014-013528

Par une convention du 25 mai 1981, la ville de Paris a confié pour une durée de vingt-cinq ans, du 1er janvier 1981 au 31 décembre 2005, l’exploitation et l’entretien de la Tour Eiffel, à la Société nouvelle d’exploitation de la Tour Eiffel (ci-après désignée « SNTE »).

Les travaux ainsi confiés aux constructeurs concernaient le remplacement des rails des ascenseurs des piliers nord et ouest.

Toutefois, des désordres étant apparus en 2005 alors même que les travaux avaient été réceptionnés en avril 2002 sans la moindre réserve, la SETE, délégataire de service public de la gestion et l’exploitation de la Tour Eiffel depuis décembre 2005, a été contrainte de faire remplacer les rails des piliers nord et ouest en 2006 et 2008.

La responsabilité des constructeurs a alors été recherchée afin d’obtenir l’indemnisation de ces préjudices devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance du 17 juin 2009, a décliné sa compétence pour connaître des demandes formées contre les constructeurs.

Le Tribunal administratif de Paris, estimant que l’action intentée par la SETE contre les trois constructeurs relevait de la compétence du juge judiciaire, a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de la compétence.

Pour déterminer l’ordre de juridiction compétent, le Tribunal des Conflits a apprécié le pouvoir d’intervention publique de la Ville de Paris en adoptant une analyse exigeante des critères de direction et de financement des travaux, ce afin notamment de pouvoir qualifier juridiquement le contrat conclu entre la SNTE et les constructeurs.

Dans un premier temps, le Tribunal a considéré que « lorsqu’une personne privée, chargée par une personne publique d’exploiter un ouvrage public, conclut avec d’autres entreprises un contrat en vue de la réalisation de travaux sur cet ouvrage, elle ne peut être regardée, en l’absence de conditions particulières, comme agissant pour le compte de la personne publique propriétaire de l’ouvrage ».

Le Tribunal a ensuite jugé que la SNTE accomplissait librement les actes d’exploitation et d’administration nécessaires à la mission qui lui avait été confiée et en assurait l’exécution ; au surplus, le contrôle exercé par la ville de Paris sur la programmation de ces travaux était limité.

Le Tribunal a enfin constaté que les travaux étant financés par les produits de l’exploitation de la Tour Eiffel par le biais de provisions constituées à cette fin et non par des subventions directes de la ville de Paris, la SNTE, qui était en charge de l’exploitation de l’ouvrage public avait conclu des contrats de droit privé.

Ainsi, ce litige ressortait de la compétence des juridictions judiciaires du fait de la qualification des contrats de travaux conclus par l’exploitant de l’ouvrage avec les constructeurs.