le 05/04/2016

Les certificats d’économie d’énergie ne constituent pas des aides d’Etat

CE, 9 mars 2016, ANODE, n° 375467

Saisi par l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) d’un recours contre le décret n° 2013-1199 du 20 décembre 2013 modifiant le décret n° 2010-1663 du 29 décembre 2010 relatif aux obligations d’économies d’énergie dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie et le décret n° 2010-1664 du 29 décembre 2010 relatif aux certificats d’économie d’énergie, par une décision du 9 mars 2016, le Conseil d’Etat a considéré que les certificats d’économie d’énergie ne peuvent être qualifiés d’aides d’Etat.

En application de l’article 107, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la qualification d’aides d’Etat ne peut être retenue que si les quatre critères cumulatifs suivants sont remplis : (i) l’aide est accordée au moyen de ressources publiques, (ii) l’aide procure un avantage sélectif à un entreprise, (iii) l’aide affecte la concurrence et (iv) l’aide affecte les échanges entre Etats membres.

S’agissant du premier critère sur lequel il est intéressant d’apporter des précisions, la Cour de justice de l’Union européenne avait d’ores et déjà précisé que la mesure doit être à la charge des finances publiques. Cette charge peut prendre la forme d’un manque à gagner, par le biais notamment du renoncement de l’État à des ressources, par exemple fiscales, ou du refus par l’État de monnayer un avantage, dans le cadre d’un appel d’offres à des conditions de marché. La charge pour le budget de l’État doit résulter de la mesure incriminée. Si le lien entre l’avantage économique octroyé et le budget public est trop indirect, la mesure ne constitue pas une aide d’État.

Dans le cas des certificats d’économie d’énergie, ce critère faisant défaut, la qualification d’aides d’Etat a été écartée.

Pour rappel, les articles L. 221-1 à L. 222-9 du Code de l’énergie soumettent les fournisseurs d’énergie à une obligation d’économies d’énergie, dont ils s’acquittent par la détention de certificats d’économies d’énergie qui constituent des biens meubles négociables et qu’ils obtiennent soit en réalisant eux-mêmes des économies d’énergie, soit en les acquérant auprès de tiers susceptibles d’en détenir.

Institué par la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, ce dispositif est imputable à l’Etat en ce qu’il est créé par le législateur et mis en œuvre par le pouvoir réglementaire.

Toutefois, le Conseil d’Etat relève plusieurs éléments permettant de regarder le lien entre les certificats d’économie d’énergie et une renonciation par l’Etat à une ressource existante ou potentielle comme n’étant pas suffisamment établi pour retenir la qualification d’aide d’Etat.

Tout d’abord, l’Etat ne contrôle ni la quantité de certificats offerts sur le marché, qui dépend des efforts d’économies d’énergie des personnes concernées par ce dispositif et du nombre d’actions éligibles qu’elles sont en mesure de réaliser, ni leur valeur marchande, déterminée par la rencontre entre l’offre et la demande. Il fixe uniquement le plafond du prix d’échange des certificats à travers la détermination de la sanction pécuniaire infligée aux fournisseurs qui ne produisent pas les certificats d’économies d’énergie justifiant du respect de leurs obligations.

Ensuite, le Conseil d’Etat écarte la comparaison entre ces certificats et le mécanisme des permis d’émission d’oxyde d’azote négociables – lesquels ont fait l’objet de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 8 septembre 2011 (affaire C-279/08) – dès lors que les certificats n’ont pas, en tant que tels, de valeur pour les bénéficiaires par rapport à l’Etat et servent uniquement de preuve officielle attestant de la réalisation d’économies d’énergie éligibles au dispositif.

Enfin, ils n’ont figuré à aucun moment dans le patrimoine de l’Etat, lequel n’avait donc aucune possibilité de les vendre ou de les mettre en adjudication.

En conséquence, il n’existe pas de lien suffisamment direct entre la faculté de négocier ces certificats et une renonciation par l’Etat à une ressource existante ou potentielle. La mesure critiquée n’institue donc pas un avantage accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d’Etat et ne constitue pas une aide d’Etat qui aurait dû être notifiée à la Commission européenne en application de l’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.