le 18/01/2016

Le Tribunal de grande instance de Paris reconnait la qualité d’emprunteur non averti de la commune de Laval et les manquements de la banque DEPFA à son obligation d’information

TGI Paris, 7 janvier 2016, Commune de Laval c/ DEPFA BANK PUBLIC LIMITED COMPANY, n° RG 12/15120 (lien ?)

Le 30 novembre 2006, la DEPFA BANK consent à la commune de Laval un contrat d’échange de conditions d’intérêts dit swap en vue du refinancement d’anciens emprunts contractés par la ville.

Le taux d’intérêt payé par la commune dans le cadre du contrat était indexé sur le différentiel euro/franc suisse à partir de l’entrée en phase structurée du contrat, soit le 1er décembre 2010.

La formule était alors ainsi libellée : du 01/12/2010 au 01/12/2024 : 4% si l’EUR/CHF est supérieur ou égal à 1,4460 sinon 4% +100%*(1,4460 – cours de change final)/(cours de change final).

En raison de la forte dégradation du taux d’intérêt et des risques d’aggravation future de la formule, la commune a assigné la banque le 16 octobre 2012 en annulation du swap à titre principal et à titre subsidiaire en résiliation du contrat avec versement de dommages et intérêts.

Au titre de la nullité, la commune soulevait l’illicéité du contrat de swap fondée sur sa nature spéculative contraire à l’intérêt communal, le défaut de compétence du représentant de la ville pour signer le contrat litigieux, ainsi que le dol et l’erreur. Ces moyens ont été rejetés par le Tribunal.

Toutefois, la juridiction de première instance admet qu’en n’attirant pas l’attention de la commune sur le risque potentiellement illimité de dégradation du taux en cas de franchissement de la barrière de référence dans la documentation précontractuelle fournie, la banque a manqué à son obligation d’information.

Par ailleurs, bien que ne retenant pas d’obligation de conseil pesant sur la banque, le Tribunal considère que la banque était débitrice d’une obligation de mise en garde envers la commune de Laval qualifiée d’emprunteur non averti, la ville n’ayant souscrit que trois prêts structurés et aucun contrat d’échange de taux d’intérêts par le passé. En outre, la commune dispose de peu de ressources et se finance essentiellement par l’impôt et l’emprunt.

Il est également rappelé que l’assistance d’un conseil aux côtés de la commune pendant les négociations et la conclusion du contrat est indifférente.

Le Tribunal retient donc : « dès lors, si le contrat de swap a pour effet de couvrir complètement le risque de taux d’intérêt de la commune de Laval sur le prêt DEXIA OVERTEC, il n’en reste pas moins qu’il l’expose en contrepartie à un risque illimité d’aggravation de sa dette initiale comme à celui de ne pas disposer de ressources financières suffisantes pour y faire face ou pour sortir du contrat en payant l’indemnité de résiliation ».

La juridiction parisienne rappelle, enfin, que les manquements à des obligations précontractuelles d’information ne peuvent être sanctionnés que par l’allocation de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de ne pas contracter.

En l’espèce, la commune n’avait sans doute pas été en mesure de fournir un calcul du préjudice subi compte tenu de l’imprévisibilité de l’évolution des indices de référence du taux d’intérêt du swap toujours en cours. Le Tribunal a alors invité les parties à organiser une mesure de médiation judiciaire afin de fixer le montant du préjudice. Notons que dans le cas où une collectivité est à même d’apporter des preuves précises pour établir son préjudice, un tel renvoi de la juridiction serait critiquable dans la mesure où il est imposé aux parties de trouver un accord sur un montant alors que l’arrivée du contentieux à son terme constitue la preuve de l’échec d’éventuelles négociations passées avec la banque.

Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence récente (TGI Nanterre, Commune de Carrières-sur-Seine c/ DEXIA, 24 avril 2015, RG n°11/12631 ; TGI Nanterre, Commune de Saint-Cast le Guildo c/ DEXIA, 26 juin 2015, RG n°11/07236) reconnaissant les manquements des banques à leurs obligations d’information en matière d’emprunts structurés ou de swap. Il s’agit d’autant plus d’une bonne nouvelle pour les collectivités que la commune de LAVAL compte plus de 50.000 habitants. Or, peu de décisions ont été, jusqu’ici, rendues en matière d’emprunts structurés et de swap pour des communes de cette dimension.