Contrats publics
le 19/09/2024

Le titulaire d’un marché public doit obligatoirement utiliser Chorus Pro quand bien même le cahier des clauses administratives générales ne le prévoyait pas mais sous réserve que l’acheteur le lui rappelle…

CAA Bordeaux, 24 juillet 2024, n° 24BX00443

Depuis le 1er janvier 2020 et en application de l’article L.2192-1 du Code de la commande publique (« CCP »), les titulaires de marchés publics ont l’obligation de transmettre leurs factures sous forme électronique, en ce compris pour l’établissement du décompte général et définitif, via le portail public de facturation « Chorus Pro »[1]. Par principe, le titulaire ne peut donc pas utiliser un autre moyen pour transmettre ces documents, conformément à l’article R. 2192-3 CCP : « l’utilisation du portail public de facturation est exclusive de tout autre mode de transmission. Lorsqu’une facture lui est transmise en dehors de ce portail, la personne publique destinataire ne peut la rejeter qu’après avoir informé l’émetteur par tout moyen de l’obligation mentionnée à l’article L. 2192-1 et l’avoir invité à s’y conformer en utilisant ce portail ».

La Direction des affaires juridiques de Bercy (« DAJ ») l’a rappelé le 9 septembre 2024 à l’occasion de la publication de son « guide des bonnes pratiques de facturation et de règlement dans les marchés publics de travaux » en faisant référence à l’article 12.6 du CCAG-Travaux 2021 qui rappelle l’obligation d’utiliser le portail de facturation.

Mais quand est-il des marchés publics en cours d’exécution soumis aux anciens CCAG qui ne prévoyaient pas une telle obligation et permettaient la transmission par tout moyen ?

Dans cette affaire, le Syndicat mixte Les Eaux de Mayotte (SMEAM) avait confié en 2017 un marché public de travaux à la société Sogea Mayotte. En décembre 2021, après réception des travaux, cette dernière a transmis son projet de décompte final. En janvier 2023 et en l’absence de réponse du SMEAM, elle a transmis son projet de décompte général par pli recommandé adressé au Président. Estimant que ce décompte était tacitement devenu définitif, elle a réclamé 669 765,02 euros, ce que le SMEAM a rejeté.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle que les dispositions imposant l’utilisation de Chorus Pro s’appliquent aux marchés en cours en vertu de l’article 193 – V de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises et ce, même si l’article 13.3.2 du CCAG ne prévoyait pas explicitement une telle obligation. Cependant, la Cour estime que le décompte général envoyé en pli recommandé reste valide car le SMEAM n’a pas informé la société Sogea Mayotte de son rejet, ni invité à utiliser le portail Chorus Pro. En conséquence, les délais applicables à l’établissement du décompte général et définitif courraient. Le SMEAM ne les ayant pas respectés, un décompte général et définitif tacite est effectivement né.

Ainsi et dans cette hypothèse, le juge considère que l’absence de dépôt sur Chorus Pro n’annule pas le caractère tacite du décompte mais seulement parce que le SMEAM n’a pas informé le Titulaire de son obligation de déposer le décompte via Chorus Pro.

 

[1] Article L2192-5 du Code de la commande publique