Droit des sociétés
le 19/03/2025

Le retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour d’une assemblée générale : une pratique licite ?

Rapport sur le retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour d’une assemblée générale du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris 6 décembre 2024

Le retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour d’une assemblée générale, bien qu’il s’agisse d’une pratique existante, n’est pas prévu expressément par le Code de commerce. Cette absence de disposition claire a récemment conduit l’Autorité des Marchés Financiers[1] à solliciter le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) afin de se prononcer sur la licéité d’une telle pratique.

En effet, les dispositions du Code de commerce ne tranchent pas expressément la question de la licéité du retrait, mais uniquement celle de l’ajout d’une résolution. L’article L. 225-105 alinéa 3 du Code de commerce précise que « l’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour. »

Au regard du principe de fixité de l’ordre du jour, la Cour de cassation a ainsi pu déclarer la nullité de résolutions irrégulières en raison de la modification des termes exacts mentionnés dans l’ordre du jour.[2] En revanche, elle n’a jamais eu à se prononcer spécifiquement sur l’hypothèse d’un retrait de projet de résolution.

Par ailleurs, la doctrine déduit de cette disposition l’existence d’un principe de « fixité »[3] ou d’ « intangibilité »[4] de l’ordre du jour.[5] Néanmoins, l’Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA) a récemment souligné que « le conseil d’administration auteur de la convocation, conserve la maîtrise de l’ordre du jour qu’il a fixé » et reconnaissait ainsi au conseil la faculté de retirer un projet de résolution avant ou pendant l’assemblée générale.[6]

Dès lors, le groupe de travail du HCJP, saisi de cette question, n’est pas parvenu à trouver un consensus concernant la licéité du retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour. Certains membres ont estimé qu’au regard du principe de fixité de l’ordre du jour, le retrait devrait être considéré comme illicite, tandis que d’autres ont soutenu que, faute de prohibition explicite dans le Code de commerce, le retrait ne saurait être qualifié d’illicite par principe.

En l’absence de position formelle de la Cour de cassation, le retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour comporte un risque juridique pour l’émetteur (tel qu’un contentieux pour atteinte au droit de vote de certains actionnaires, nullité de la délibération, nullité de l’assemblée en cas de résolutions interdépendantes). Dans cette attente, le HCJP s’est accordé sur les bonnes pratiques à adopter, à l’occasion de tout retrait de résolution :

  1. L’amendement de retrait : La solution la plus respectueuse consiste à organiser un vote sur l’amendement de retrait du projet de résolution, en permettant aux actionnaires de se prononcer sur ce retrait lors de l’assemblée générale.
  2. La communication préalable : En cas de retrait décidé unilatéralement par le conseil d’administration, il est recommandé que l’émetteur informe les actionnaires du retrait et des raisons qui le motivent, et ce, dans les plus brefs délais avant l’assemblée générale.

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[1] AMF, Rapport sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, 2023, p. 57

[2] Exemple : Cass. com. 14 février 2018, n° 15-16.525

[3] Magnier Véronique, Droit des sociétés, Dalloz, collection « Cours », 10e édition, 2022, p. 315, n° 504

[4] Mortier Renaud et Guégan Elsa, « Ordre du jour et notion de résolution nouvelle », JCPE, 2018, n° 21, 1257

[5] Rapport sur le retrait d’un projet de résolution inscrit à l’ordre du jour d’une assemblée générale, du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, 6 décembre 2024

[6] ANSA, position n° 24-001, p. 2.