le 17/05/2016

Le refus d’attribution d’un logement relève du Juge administratif

T. Confl., 9 mai 2016, n° 4048

Les organismes de logement social sont chargés d’une mission de service public (CE, 23 février 1979, Vildart, n° 09663), dont l’objet est défini à l’article L. 411 du Code de la construction et de l’habitation comme la participation à la mise en œuvre du droit au logement. Néanmoins, il résulte d’une jurisprudence constante que les baux conclus entre les organismes de logement social et leurs locataires sont des contrats de droit privé et relèvent du Juge judiciaire (TC, 15 décembre 1980, Jaouen, n° 02164 ; TC, 24 mai 2004, Consorts Garcia, n° 3399).

La question de la détermination de la juridiction compétente en cas de contestation d’une décision d’attribution d’un logement social restait non tranchée, la jurisprudence s’étant divisée entre les juridictions judiciaires et administratives.

Le Tribunal des conflits (saisi de la question par le Tribunal de grande instance de Créteil après une décision d’incompétence du Tribunal administratif de Melun) vient de trancher cette question dans le cadre d’un litige concernant une demande d’annulation d’une décision implicite de rejet par un Office Public de l’Habitat d’une candidature à un logement social proposée par le Préfet du Val-de-Marne.

Celui-ci juge « que, si le contrat qui lie un bailleur social à un locataire est un contrat de droit privé, la décision de refus d’attribuer un logement ne porte pas sur l’exécution d’un tel contrat ; qu’elle est prise dans le cadre de l’exécution d’un service public, dans les conditions et selon des procédures qu’imposent au bailleur social les articles L. 441-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation et les dispositions réglementaires prises pour leur application ; qu’ainsi, quel que soit le statut, public ou privé, du bailleur social, elle constitue une décision administrative, dont il incombe à la seule juridiction administrative d’apprécier la légalité ».

Le raisonnement du Tribunal est cohérent puisque selon la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 31 juillet 1942, Montpeurt, n° 71398), une décision prise par une personne privée relève de la compétence du Juge administratif si elle intervient dans le cadre d’une mission de service public et si elle manifeste l’exercice de prérogatives de puissance publique. Or, les articles L. 441-1 et suivants et R. 441-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation définissent un cadre précis régissant l’adoption de ces décisions. Par les sujétions qu’il impose, ce cadre est lui-même exorbitant du droit commun. Par conséquent, les décisions par lesquelles les organismes de logement social de droit privé refusent d’attribuer un logement relèvent également des juridictions administratives.

C’est d’ailleurs le sens de la jurisprudence judiciaire en la matière qui, par des solutions de principe ne distinguant pas entre un office public ou une société anonyme, retient la compétence exclusive de l’ordre administratif concernant les décisions des commissions d’attribution de logement (voir notamment CA Versailles, 11 janvier 2002 n° 01/02.311 ; CA Caen, 29 mars 2007 n° 06/000.72).

Récemment, avant même cette décision du Tribunal des Conflits mettant un terme à la question, la 2ème Chambre du Pôle 2 de la Cour d’appel de Paris avait retenu la compétence administrative dans un arrêt du 13 février 2015 (n° 14/16837) en indiquant : « qu’en l’espèce, en l’absence de rapport locatif déjà préexistant entre ladite société et XXX, il convient d’analyser cette décision de la commission d’attribution comme une décision administrative, adoptée au titre de la mission de service public assignée aux organismes d’HLM, qu’il importe peu que cette décision ait été prise par une commission d’attribution créée par un organisme de droit privé ou par une commission d’attribution d’un établissement public, que cette décision revêtant un caractère administratif, elle relève uniquement du Juge administratif ».