le 25/02/2020

Le port d’une barbe ne suffit plus à caractériser la manifestation de convictions religieuses au sein du service

CE, 12 février 2020, Monsieur B., n° 418299, aux Tables

Le principe de laïcité impose aux agents publics de ne pas manifester leurs croyances religieuses dans l’exercice de leurs fonctions, y compris lorsque cette manifestation des croyances est susceptible d’être exprimée par un élément corporel de l’agent, comme une barbe.

Le centre hospitalier de Saint-Denis avait accueilli dans le cadre d’une convention de stage un chirurgien de nationalité égyptienne, à compter du 30 septembre 2013. Le lendemain même, le directeur de l’établissement lui avait ordonné de raccourcir sa barbe « de type islamique » en lui indiquant que celle-ci pouvait être perçue comme « un signe religieux extérieur et ostentatoire ».

Face aux refus réitérés du praticien de modifier son apparence corporelle, le Centre hospitalier avait mis fin à son stage et résilié la convention qui l’unissait à l’université d’origine du praticien.

Saisie d’une demande d’annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil ayant rejeté la demande d’annulation de la décision mettant fin à son stage, la Cour administrative d’appel de Versailles avait confirmé l’analyse du Tribunal et du Centre Hospitalier.

Elle avait en effet jugé que si le port d’une barbe, bien que conséquente, ne peut en soit être regardée comme un signe d’appartenance religieuse, le fait que le praticien n’ait pas nié qu’en l’espèce sa barbe pouvait manifester un tel signe d’appartenance justifiait, avec le refus de la tailler, de la décision querellée.

Cette décision avait fait l’objet de nombreuses critiques, ce que n’a pas manqué de relever le rapporteur public du Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi sur la question : « il paraît choquant que le silence gardé par l’agent sur une interrogation relative à ses convictions puisse lui être ainsi opposé, au regard de la protection de la liberté de conscience des agents publics ».

Le Conseil, après avoir rappelé que les stagiaires doivent respecter les obligations qui s’imposent aux agents du service public hospitalier (CE, 28 juillet 2017, C… et autres, n° 390740), y compris le respect du principe de laïcité et du devoir de neutralité, a ainsi annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles dès lors qu’il n’a retenu aucune autre circonstance que l’absence de dénégations de l’intéressé sur le caractère possiblement religieux de sa barbe et le fait qu’elle pourrait être perçue de la sorte par les autres agents du service.

Notons cependant que la décision commentée porte davantage sur l’organisation et le respect de la charge de la preuve s’agissant de l’examen des manifestations de convictions religieuses dans le cadre du service, que sur la nature même de la barbe en tant que signe d’appartenance religieuse, bien que le rapporteur public y fasse référence en note de bas de page dans ses conclusions, aux termes d’une réflexion nuancée.