le 18/11/2021

Le point sur les règles de TVA applicables aux prestations réalisées par les groupements d’intérêt public

Articlen° 261 B, Code général des impôts

Les groupements d’intérêt public peuvent largement se prévaloir de l’exonération de TVA pour les services rendus à prix coûtant à leurs membres compte tenu des évolutions jurisprudentielles et doctrinales intervenues au cours des dernières années.

Rappelons qu’en application des dispositions de l’article 256 du CGI, sont placées dans le champ d’application de la TVA les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

Les opérations effectuées à titre onéreux s’entendent de celles qui comportent la fourniture, par l’acquéreur du bien ou le bénéficiaire du service, d’une contrepartie, quelle qu’en soit la nature (somme d’argent, bien livré ou service rendu, etc.) ou la valeur.

Il en résulte, notamment, que les livraisons de biens et les prestations de services sont imposables à la TVA même si elles sont effectuées « à prix coûtant ». (CJUE, 8 mars 1988, aff. 102/86 Apple and Pear Development Council.)

Cependant, l’article 132-1 f de la directive n° 2006/112 CE du 28 novembre 2016 prévoit la possibilité pour les états membres d’exonérer les services rendus à leurs membres par les groupements autonomes de personnes sous certaines conditions.

Ces dispositions ont été transposées en droit interne à l’article 261 B du CGI aux termes duquel, « les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la TVA ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, sont exonérés de cette taxe à la condition qu’ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d’application de la TVA et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes ».

La doctrine administrative qui commente ce dispositif d’exonération avait étendu son application aux mises à disposition de personnel ou de biens mobiliers ou immobiliers, facturées à prix coûtant, et effectuées soit au profit de personnes morales de droit public ou d’organismes sans but lucratif, soit en vertu d’une obligation légale ou réglementaire.

La Commission européenne ayant estimé cette tolérance doctrinale non conforme à la directive n° 2006/112/CE relative au système commun de la TVA, et plus particulièrement à ses dispositions relatives aux groupements de moyens figurant au f) du 1 de son article 132.

Par conséquent, ces dispositions ont été rapportées à compter du 1er janvier 2016 et il doit donc à compter de cette date, être fait application des dispositions de droit commun aux prestations réalisées pour des motifs d’intérêt public ou social

Partant, selon l’Administration fiscale, le bénéfice de cette exonération est réservé aux services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués de membres exerçant une activité exonérée de la TVA ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti. (BOI-TVA-CHAMP-30-10-40)

Toutefois, lorsque des membres du groupement sont redevables de la TVA, l’exonération reste applicable dès lors que le pourcentage des recettes donnant lieu au paiement de la taxe est inférieur, pour chacun des membres pris individuellement, à 20 % de ses recettes totales.

Sur ce point, la doctrine administrative n’est pas conforme à la jurisprudence du la CJUE selon laquelle l’exonération de TVA prévue à l’article 132-1 f est uniquement liée à l’utilisation par ses membres, exclusive ou non, des services rendus par le GIE, pour les besoins de leurs activités exonérées. (CJUE, 4 mai 2017 Commission c/ Luxembourg (aff. 274/15).

Cependant l’Administration fiscale admet, lorsqu’un membre du groupement a constitué plusieurs secteurs d’activité distincts au sens de l’article 209 de l’annexe II au CGI et que ce membre dépasse le seuil de 20 % susmentionné, qu’il puisse néanmoins être partie au groupement au titre du secteur d’activité distinct regroupant les opérations exonérées (BOI-TVA-CHAMP-30-10-40).

Par ailleurs, dans une décision de rescrit du 09 mars 2021 (BOI-RES-TVA-00082), l’Administration fiscale a pu préciser que, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 4 mai 2017, Commission contre Luxembourg, aff. C-247/15, ECLI:EU:C:2017:333 et CJUE, 20 novembre 2019, Infohos, aff. C-400/18, ECLI:EU:C:2019:992) il était possible d’assouplir certaines des conditions rappelées ci-dessus en faveur des groupements de moyens agissant au profit de secteurs d’activités exonérées pour raison d’intérêt général.

A cet égard, si la notion d’intérêt général visée par la doctrine administrative précitée n’a pas été précisée, l’Administration fiscale estime, s’agissant de l’application de la TVA aux activités des personnes morales de droit public (BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10) que les activités d’intérêt général correspondent aux tâches administratives fondamentales et obligatoires que les collectivités publiques exercent en vertu de leurs prérogatives de puissance publique ainsi qu’aux activités qui, bien que ne relevant pas de l’exercice de la souveraineté et n’impliquant pas l’exercice de pouvoirs coercitifs, sont exercées en tant qu’autorité publique par les personnes morales de droit public.

Lorsque le groupement agit au profit de secteurs d’activités exonérées de TVA pour raison d’intérêt général, le bénéfice de l’exonération de la TVA des services rendus par un groupement à ses membres non assujettis ou exonérés n’a pas à être remis en cause lorsque ce groupement comporte des membres soumis à la TVA pour plus de 20 % de leur chiffre d’affaires (groupements dits « mixtes »).

En pareille situation, l’exonération de la TVA ne s’applique qu’aux seules prestations rendues par le groupement au profit de ses membres qui concourent directement et exclusivement à la réalisation de leurs activités non imposables ou exonérées de la taxe.

En revanche, les services effectués au profit des membres pour la réalisation d’opérations soumises à la TVA doivent être imposés à la TVA. Il en ira ainsi notamment lorsque le groupement fournit une prestation à un membre ne réalisant que des opérations soumises à la TVA.

Ce faisant, lorsque le groupement est amené à fournir des prestations à un membre assujetti exerçant tant des activités exonérées ou non imposables que des activités taxées, un suivi précis de l’utilisation des services acquis par le membre est nécessaire.

Par ailleurs, les services rendus à des non-membres restent taxables de plein droit à la TVA.

Rappelons en outre qu’afin de bénéficier de l’exonération de TVA prévue à l’article 261 B du CGI, les sommes réclamées aux adhérents doivent correspondre exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes et ne pas présenter un caractère forfaitaire.

 

Laetitia Pignier, Avocate Associée Arbor & Tournoud