le 16/06/2020

Le juge des référés enjoint à la commune de Bobigny de définir les modalités d’accueil des élèves dans les grandes sections de maternelles

TA Montreuil, Ord. 20 mai 2020, n° 2004683

Le Tribunal administratif de Montreuil a été saisi d’une requête en référé liberté (article L. 521-2 du Code de justice administrative) d’une demande d’injonction à la commune de Bobigny d’ouvrir les grandes sections des écoles maternelles. Le parent d’élève et élue d’opposition soutient que cette décision aggrave les inégalités sociales dans la mesure où certains établissement tels que les écoles rouvrent mais que les classes de maternelles restent fermées.

Par un arrêté du 15 mai 2020 pris sur le fondement de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, le maire de Bobigny a décidé de maintenir la fermeture des écoles maternelles et des crèches jusqu’à la fin de l’année scolaire 2019-2020. En effet, ces établissements devaient demeurer fermés jusqu’en septembre, à l’exception des classes déjà rouvertes et accueillant les enfants des personnes prioritaires au titre de la gestion de la crise sanitaire.

En outre, le ministre de l’Education nationale avait annoncé la réouverture de certaines écoles après le confinement mais avait indiqué que les élèves de grande section, CP et CM2 seraient prioritaires, notamment car l’accueil reste limité et que ces niveaux correspondent à des paliers et classes charnières dans la scolarité des enfants.

Le maire rappelle tout d’abord le caractère pathogène et contagieux du virus, responsable de la maladie covid-19, de sa propagation et de l’absence de traitement.

Le maire précise ensuite qu’il entend garantir la santé et la sécurité des administrés et qu’à ce titre, il considère qu’il est impossible de respecter les règles de distanciation physique pour des enfants âgés de 0 à 6 ans alors que la circulaire du ministre de l’éducation nationale conditionne la réouverture des écoles à la mise en œuvre d’un protocole sanitaire, qui tend à imposer la distanciation entre les individus.

Les pouvoirs du maire sont encadrés par le Code général des collectivités territoriales (article L. 2212-2) et par la jurisprudence. Il doit contribuer à la bonne application sur son territoire des mesures sanitaires décidées par l’Etat.

Partant, il est prévu que le maire ne peut prendre de dispositions différentes de celles prises par l’Etat pour lutter contre l’épidémie sauf si des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rende l’édiction indispensable et à la condition de ne pas compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’Etat.

Dans le cas d’espèce, le juge des référés a estimé au vu des moyens soulevés et arguments apportés, que la décision du maire de ne pas autoriser l’accueil des enfants de grande section de maternelle, ne remplissait pas les conditions imposées.

D’une part, le juge considère que la commune n’invoquait pas de circonstance sanitaire particulière à son territoire et se contentait simplement de relever qu’elle fait partie des communes du département classée en « zone rouge » alors que le décret du 11 mai 2020 ne prévoit pas d’exception à ce titre.

D’autre part, le juge considère que la ville n’apporte aucun élément concret suffisamment précis pour établir l’existence d’une raison impérieuse particulière à la commune et rejette donc les arguments selon lesquels la commune ne peut respecter le protocole sanitaire et qu’elle ne dispose pas du personnel nécessaire.

C’est sur l’ensemble de ces fondements que le juge des référés-libertés a donné jusqu’au 3 juin 2020 à la commune de Bobigny, un délai pour définir les modalités d’accueil dans les grandes sections de ses écoles maternelles. En revanche, le juge ne contraint pas la commune à rouvrir les écoles.

Il convient enfin de relever le silence de la part des diverses institutions étatiques que sont le ministère de l’éducation nationale, la préfecture de la Seine-Saint-Denis et le rectorat de Créteil, parties dans cette instance, qui n’ont pas produit de mémoires en défense.

Notons que, dans une espèce encore plus récente, le même tribunal a au contraire rejeté un nouveau référé liberté dirigé contre la ville de Saint-Denis, qui n’avait pas rouvert une école maternelle. Cependant, la ville avait rouvert 8 autres écoles maternelles, soit une par quartier, dont les capacités d’accueil étaient loin d’être atteintes dans les faits.