Projets immobiliers publics privés
le 29/08/2024

Le droit au bail du conjoint survivant n’ayant fait l’objet d’aucune renonciation expresse exclut tout transfert au profit des descendants

Cass. Civ. 3e, 4 juillet 2024, n° 22-24.856

Par un arrêt rendu en date du 4 juillet 2024 et publié au Bulletin, la Cour de cassation a rappelé que, sauf renonciation expresse, le conjoint survivant cotitulaire d’un bail d’habitation bénéficie d’un droit exclusif sur le logement ayant servi à l’habitation commune des époux, excluant ainsi tout transfert du bail aux descendants.

En l’espèce, une société bailleresse du secteur social avait donné à bail un appartement à des époux, parents de deux enfants. Ces derniers se sont séparés et une ordonnance de non-conciliation rendue en 2013 a attribué le logement familial à l’épouse. Celle-ci étant décédée en 2016, l’époux qui ne demeurait plus dans les lieux depuis 2011 a signé un avenant au bail quelques jours après le décès pour le désigner comme restant seul titulaire du bail. Plusieurs suppléments de loyer de solidarité étant demeurés impayés par la suite, la société bailleresse a fait délivrer à l’époux un commandement de payer visant la clause résolutoire en 2018, puis l’a assigné quelques mois plus tard en expulsion et en paiement des arriérés.

Afin de s’opposer aux demandes de la société bailleresse, l’époux et ses enfants – intervenus volontairement dans la procédure – ont soutenu que les suppléments de loyer de solidarité n’auraient pas dû être appliqués en ce que l’époux n’avait jamais demandé à bénéficier du droit au bail et avait même envoyé une lettre en 2011 pour indiquer qu’il quittait le logement, tandis que les enfants avaient au contraire bénéficié d’un transfert du bail au décès de leur mère par application de l’article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Ainsi, à défaut d’avoir pris en compte les revenus des enfants pour déterminer si des suppléments de loyer de solidarité étaient réellement dus, la société bailleresse devait être déboutée de l’ensemble de ses demandes.

La Cour d’appel de Paris ayant accueilli cette argumentation, la société bailleresse s’est pourvue en cassation.

Relevant que l’époux n’avait ni délivré congé ni expressément renoncé au droit au bail dont il bénéficiait en vertu de l’article 1751 du Code civil, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en rappelant que le droit au bail était exclusif au conjoint survivant et ne pouvait entrer en concurrence avec aucun autre droit locatif, en ce compris le droit au transfert des descendants issu de l’article 14 de la loi précitée, confirmant ainsi un précédent arrêt rendu quelques années auparavant (Cass. Civ. 3e, 28 juin 2018, n° 17-20.409). L’époux étant seul titulaire du droit au bail, seuls ses revenus devaient donc être pris en compte pour déterminer si des suppléments de loyer de solidarité étaient dus, ce qui fut fait par la société bailleresse.

Ainsi que l’écrivait La Fontaine dans sa fable du Rat et de l’Huître, tel est pris qui croyait prendre : l’époux ne pouvait tout à la fois signer un avenant reconnaissant qu’il était seul titulaire du bail au décès de son épouse et prétendre que ses enfants avaient bénéficié d’un transfert du droit au bail afin d’échapper au paiement de suppléments de loyer de solidarité.