le 25/03/2021

Le Département de la Seine-Saint-Denis obtient l’annulation de l’arrêté fixant le niveau maximum annuel de ses dépenses réelles de fonctionnement pour les années 2018 à 2020.

TA Montreuil, 5 mars 2021, Département de la Seine-Saint-Denis, n° 1809996

Par une décision du 5 mars dernier, le Département de la Seine-Saint-Denis, représenté par le Cabinet Seban & Associés, a obtenu l’annulation de l’arrêté édicté par le Préfet du Département fixant le niveau annuel d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) à 1,2 % pour les années 2018 à 2020 (appliqué à la base des DRF de la collectivité pour 2017), soit un niveau correspondant à l’objectif national d’évolution des DRF fixé par la loi. Cet arrêté avait été pris à la suite du refus exprimé par le Département de signer un contrat de maîtrise de la dépense locale avec l’Etat.

En effet, le Département estimait, tout d’abord, qu’aucun véritable échange n’avait pu avoir lieu avec la Préfecture en vue de fixer un niveau d’évolution des DRF approprié, et, partant, qu’il avait été privé d’une chance de pouvoir conclure un contrat de maîtrise de la dépense publique local (dit « contrat de Cahors ») avec l’Etat, ayant concrètement comme incidence qu’en cas de dépassement de l’objectif d’évolution de ses dépenses déterminé, il s’expose à une reprise financière à hauteur de 100% du dépassement, et non 75% lorsqu’un contrat est conclu.

 Le Tribunal n’a pas retenu le vice de procédure invoqué par le Département, mais accueille deux moyens de fond soulevés par celui-ci.

D’une part, il considère que le périmètre des dépenses pour 2017 pris en compte par le Préfet n’était pas le bon, et, partant, remet en cause l’assiette de calcul du taux d’évolution des DRF.

La loi a en effet entendu s’appliquer strictement au budget principal et aux dépenses de fonctionnement des collectivités concernées par le dispositif. Ce faisant, le Tribunal accueille le moyen développé par le Département selon lequel les dépenses allouées par le Département à la section d’investissement de ses budgets annexes et autonomes et, par ailleurs, aux budgets d’établissements publics auxquels le Département participe devaient être défalquées de la base de calcul.

D’autre part, le Tribunal retient que la Préfecture a commis une erreur dans le calcul du revenu moyen par habitant. Le Département soutenait en effet que certaines données prises en compte par l’Etat étaient erronées, ce qui avait eu pour effet de le priver d’être éligible à une modulation à la hausse du taux d’évolution de ses DRF sur le fondement de ce critère (dans la limite de 0,15 points, ainsi que prévu par la loi). En effet, en prenant en compte les données rectifiées du revenu moyen par habitant départemental et du revenu moyen national, le Tribunal constate que le premier est bien inférieur de plus de 20 % au second, justifiant que le Département aurait dû être éligible à ce critère.

Au sujet du taux d’évolution des DRF, il convient par ailleurs de rappeler que, pour les collectivités départementales et la Métropole de Lyon, la loi a expressément prévu que soit défalquée du montant des DRF la part des allocations individuelles de solidarité supérieure à 2% d’augmentation, afin de tenir compte du poids particulièrement important et du caractère obligatoire du niveau de ces dépenses sociales dans les budgets départementaux.

Malgré cet ajustement, les Départements avaient eu l’occasion de faire part à nouveau des difficultés liées à l’ampleur des dépenses sociales dans leur budget à l’occasion des échanges ayant eu lieu lors des contrôles de respect des objectifs fixés aux collectivités par les services de l’Etat (reprise financière en cas de dépassement de l’objectif), difficultés renforcées dans le contexte de la crise sanitaire due au Covid-19.

Dans cette affaire, le Tribunal a enjoint au Préfet d’édicter un nouvel arrêté dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Il est permis de souligner qu’à notre connaissance, ce jugement constitue la première décision par laquelle le juge administratif vient préciser le périmètre des dépenses à prendre en compte, en excluant expressément les dépenses allouées aux budgets annexes, autonomes ou aux structures tierces à la collectivité et à laquelle elle participe dès lors qu’elles viennent abonder la section d’investissement de ces budgets.

Par ailleurs, à propos du motif d’annulation lié l’éligibilité à un critère de modulation à la hausse du taux d’évolution des DRF, il faut rappeler que le Tribunal administratif de Bordeaux a récemment jugé que le défaut d’application d’un critère de modulation à la hausse du taux d’évolution des DRF par une Préfecture, et, partant, l’application d’un taux d’évolution des DRF s’élevant à 1,2 % au Département de la Gironde était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (TA Bordeaux, 21 décembre 2020, n° 1805138).