le 14/10/2015

Le contrôle du principe de spécialité des établissements publics par le Juge du référé précontractuel

CE, 18 septembre 2015, Association de gestion du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) des Pays de la Loire et autre, n° 390041

Cette décision revêt un intérêt particulier en ce qu’elle étend le champ des obligations de publicité et de mise en concurrence soumises au contrôle du Juge des référés précontractuels. Désormais, celles-ci englobent également la compétence d’une personne publique candidate au marché. Ce faisant, l’arrêt a pour effet d’élargir l’office du Juge du référé précontractuel.

En premier lieu, par un considérant de principe, le Conseil d’Etat a jugé qu’ « il appartient au Juge du référé précontractuel, saisi de moyens sur ce point, de s’assurer que l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur pour exclure ou admettre une candidature ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ».

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat a précisé que, en présence de la candidature d’une personne publique, le Juge doit vérifier que les prestations objet du marché entrent effectivement dans le champ de sa compétence.

En particulier, s’agissant de la candidature d’un établissement public, il convient de vérifier que ces prestations ne méconnaissent pas le principe de spécialité auquel il est tenu.

Le Conseil d’Etat opère ici un revirement de jurisprudence. En effet, à ce jour, le principe de spécialité des établissements publics ne relevait pas du contrôle relatif aux obligations de publicité et de mise en concurrence et, dès lors, le Juge du référé précontractuel n’était pas compétent pour en connaître (voir CE, 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la côte d’Amour et de la presqu’île Guérandaise, n° 209319).

En second lieu, la décision précise les modalités de contrôle du respect du principe de spécialité des établissements publics.

Pour apprécier le respect du principe de spécialité d’un établissement public candidat à un contrat public, le Juge du référé précontractuel doit non seulement prendre en compte l’objet statutaire de l’établissement mais également rechercher si les prestations objet du marché constituent le complément normal de sa mission statutaire et sont utiles à l’exercice de celle-ci.

Ainsi, le Conseil d’Etat reprend la solution établie, dans un premier temps, dans son avis de 1994 relatif à la diversification des activités d’EDF/GDF puis reprise, dans un second temps, dans une décision de 1999 (CE, Section des travaux publics, avis, 7 juillet 1994, n° 356089 ; CE, 29 décembre 1999, Société consortium français de localisation, n° 185970).

En l’espèce, le Conseil d’Etat a annulé, pour erreur de droit, l’ordonnance du Tribunal administratif de Rennes dès lors que celui-ci, sur le fondement de la méconnaissance du principe de spécialité, avait annulé la procédure litigieuse alors même qu’il ne s’agissait pas d’un établissement public, mais uniquement de l’association de gestion de l’établissement, laquelle constituait une personne morale de droit privé, et, au surplus, qu’il s’était borné à prendre en compte l’objet statutaire de cet établissement.

En conséquence, il ressort de cette décision que, dans le cadre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence, il revient au pouvoir adjudicateur de s’assurer que les prestations objet du contrat sont comprises dans la compétence de la personne publique candidate et, s’agissant d’un établissement public, ne méconnaissent pas le principe de spécialité auquel il est tenu.