le 16/06/2020

Le Conseil d’Etat interdit le dispositif de surveillance par drone à Paris

CE, Ord. 18 mai 2020, n° 440442 et n° 440445

Les associations La Quadrature du Net et La Ligue des droits de l’Homme ont déposé un référé liberté le 2 mai 2020 devant le Tribunal administratif de Paris. Elles demandaient la suppression immédiate du dispositif mis en œuvre par la préfecture de police de Paris depuis le 18 mars 2020 visant à « capturer des images par drones puis à les exploiter afin de faire respecter les mesures de confinement ». Elles exigeaient également la destruction des images déjà captées sous astreinte de 1024 euros par jour de retard.

Elles soutenaient que « l’atteinte ainsi portée à ces libertés est grave car les drones permettent de surveiller de très larges zones, les données peuvent être partagées entre les divers services de l’Etat, les drones sont plus mobiles que les caméras fixes de vidéosurveillance et leur utilisation n’est pas réglementée comme celles-ci, enfin l’utilisation des drones hors de tout cadre juridique renforce le sentiment de surveillance généralisée ressenti par les personnes concernées qui sont susceptibles d’altérer leur comportement et notamment de se retreindre dans l’exercice de leur liberté d’aller et de venir ».

Le juge des référés a rejeté la requête des deux associations au motif que les images captées sont prises en utilisant un grand angle et qu’elles ne permettent pas l’indentification des individus. Le juge reconnait que les drones, lorsqu’ils sont utilisés dans un cadre judiciaire, pourraient permettre une telle identification mais en l’espèce, la preuve n’en a pas été rapportée par les deux associations.

Suite à l’appel des deux associations, et par une décision du 18 mai 2020, le Conseil d’Etat est venu interdire la surveillance par drones.

S’agissant de l’atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées, le Conseil d’Etat indique :

« En premier lieu, la finalité poursuivie par le dispositif litigieux, qui est, en particulier dans les circonstances actuelles, nécessaire pour la sécurité publique, est légitime » ;

« En deuxième lieu, il est constant qu’un usage du dispositif de surveillance par drone effectué conformément à la doctrine d’emploi fixée par la note du 14 mai 2020 n’est pas de nature à porter, par lui-même, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées ».

 

Toutefois, le Conseil d’Etat va rappeler que la surveillance par drone relève de la directive police/justice et de la loi du 6 janvier 1978, correspond bien à une activité de traitement et que les données susceptibles d’être collectées sont des données à caractère personnel.

Comme le rappelle le Conseil d’Etat, l’article 31 de la loi de 1978 impose une autorisation par arrêté du ou des ministres compétents ou par décret, selon les cas, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Or, dans le cadre de la surveillance par drones, la CNIL n’avait pas été saisie.

Le Conseil d’Etat indique :

« Compte tenu des risques d’un usage contraire aux règles de protection des données personnelles qu’elle comporte, la mise en œuvre, pour le compte de l’Etat, de ce traitement de données à caractère personnel sans l’intervention préalable d’un texte réglementaire en autorisant la création et en fixant les modalités d’utilisation devant obligatoirement être respectées ainsi que les garanties dont il doit être entouré caractérise une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée ».

Aussi, la surveillance par drone est interdite tant que n’a pas été mis en œuvre :

  • soit un texte réglementaire, pris après avis de la CNIL, autorisant la création de ce traitement de données à caractère personnel ;
  • soit la transformation des appareils utilisés par la préfecture de police avec des dispositifs techniques de nature à rendre impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l’identification des personnes filmées.