le 04/11/2021

Le Conseil d’Etat infléchit sa position en matière de TEOM

CE, 22 octobre 2021, Métropole de Lyon, n° 434900

Dans une décision toute récente, le Conseil d’Etat poursuit son œuvre prétorienne dans le cadre de son contrôle sur la proportionnalité des taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) fixés par les collectivités compétentes et infléchit manifestement sa position.

Pour rappel, par une décision rendue en mars 2014 (CE, 31 mars 2014, Société Auchan, req. n° 368111), le Conseil d’Etat a jugé que la TEOM devait financer sans excédent manifeste (pas plus de 15 %) le coût du service public de gestion des déchets, la pratique révélant parfois, en effet, un vote des taux en excédent pour permettre un financement supplémentaire vers le budget général de la collectivité.

Depuis cet arrêt, les difficultés ont émergé et se sont accentuées pour les collectivités territoriales en charge de ce service public. De nombreux contribuables (entreprises, associations de contribuables, élus de l’opposition) ont contesté les délibérations fixant le ou les taux de TEOM sur le territoire de la collectivité, ou plus directement les titres de recettes émis par le Direction des finances publiques compétentes (la TEOM étant recouvrée en même temps que les autres impôts locaux).

Dans chacun de ces cas, il appartient à la collectivité de démontrer qu’au jour de l’adoption des taux, il n’existait pas de disproportion manifeste entre les recettes prévisionnelles qui découleront de l’application des taux votés et le cout réel du service. Mais il est délicat de se prêter à ce calcul, dans la mesure où les juridictions pouvaient révéler des divergences quant aux modalités de ce calcul.

Si les différentes décisions du Conseil d’Etat intervenues en la matière depuis 2014 ont permis de clarifier quelque peu le sujet (prise en compte des seules dépenses réelles de fonctionnement augmentées des dotations aux amortissements des immobilisations affectées au service public de gestion des déchets, la somme des excédents de fonctionnement résultant de l’exécution des budgets des années précédentes et reportée en section de fonctionnement n’a pas à être prise en compte au titre des recettes du service, seuls les éléments du budget primitif, et non ceux – définitifs, issus du compte administratif ou du rapport annuel sur le prix et la qualité du service, peuvent constituer la base du calcul,…), restait la question épineuse des dépenses dites générales c’est-à-dire la fraction de dépenses liées au fonctionnement plus général de la collectivité et affectée au service (frais de personnels, part des moyens techniques et administratifs affectés au service public, coût ventilé des bâtiments et charges générales, …) que le Conseil d’Etat excluait du calcul du coût (CE, 19 mars 2018, Société CORA, req. n° 402946), considérant qu’il ne s’agissait pas de dépenses directement exposées pour financer le service.

Cette position était éminemment contestable : une collectivité à compétences multiples, alors même que la comptabilité analytique est obligatoire pour le service public de gestion des déchets, ne pouvait inclure dans le calcul du coût du service, une part des dépenses générales pourtant exposées pour l’exercice de cette seule compétence. A l’inverse, une collectivité à compétence unique comme un syndicat mixte de gestion des déchets pouvait quant à lui inclure ces dépenses d’administration générales sans difficulté.

Dans cette décision du 22 octobre dernier, le Conseil d’Etat accepte enfin d’infléchir sa position en prenant en compte les éléments de comptabilité analytique et les clés de répartition élaborés par la Métropole de Lyon :

« […] les dépenses en cause correspondent à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la métropole et que cette quote-part a été calculée au moyen d’une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d’identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l’administration générale de la métropole, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales. Par suite, en jugeant que la comptabilité analytique produite par la métropole de Lyon ne comportait pas de clef de répartition permettant d’établir si les dépenses en cause étaient directement exposées pour le service de collecte et de traitement des déchets, la cour administrative d’appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ».

Cette inflexion pragmatique est salutaire pour les collectivités, qui étaient parfois confrontées à une position extrêmement rigoureuse des juridictions de fond qui rejetaient toute tentative d’inclure une part des dépenses d’administration générale dans le calcul du coût du service, alors pourtant que leur réalité ne faisait guère de doute.

La saga des contentieux TEOM touche peut être à sa fin.