Energie
le 08/06/2023

Le Conseil d’État enjoint de nouveau le Gouvernement à mettre en œuvre toutes mesures utiles pour réduire la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national

CE, 10 mai 2023, n° 467982

Pour rappel, le 1er juillet 2021, le Conseil d’Etat a annulé le refus implicite opposé par le Président de la République, le Premier ministre et le Ministre de la transition écologique à la demande de la commune de Grande-Synthe (notamment) de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Conseil d’Etat a en outre enjoint l’Etat à prendre des mesures supplémentaires avant le 31 mars 2022.

Considérant que les mesures pour exécuter cette décision n’avaient pas été prises par le Gouvernement, la commune de Grande-Synthe ainsi que la ville de Paris, et les associations Notre Affaire à Tous, Oxfam France, la Fondation de la nature et l’Homme (qui s’est ensuite désistée) et Greenpeace France, parties à la première instance, ont de nouveau saisies le Conseil d’Etat de trois demandes afin d’obtenir le prononcé d’une astreinte.

Le Conseil d’Etat devait alors déterminer si sa première décision avait été correctement exécutée et, dans la négative, ordonner les mesures d’injonction ou d’astreinte nécessaires pour en assurer l’exécution.

Pour ce faire, il a examiné les éléments remis par le Gouvernement lors de l’instruction contradictoire.

Ainsi, le Conseil d’Etat a porté son analyse sur :

  • Les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre: sur ce point, il constate un rythme de diminution annuel moyen des émissions de l’ordre de -1,9 % ;
  • Les mesures adoptées ou annoncées par le Gouvernement pour justifier de l’exécution de la décision: à ce titre, le Ministre de la transition écologique indique notamment que l’adoption de la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 (Loi n° 2021-1104 en date du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) et ses textes d’application comportent des mesures destinées à se conformer à la décision du Conseil d’Etat ;
  • La compatibilité de ces mesures et du pilotage des politiques publiques mise en place avec la trajectoire de diminution des émissions de gaz à effet de serre: sur ce point, le Conseil d’Etat précise que deux circonstances exogènes – la pandémie de Covid-19 qui a conduit à une diminution des activités qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre puis à un rebond d’activité, et la crise liée à la guerre en Ukraine qui a conduit le Gouvernement à prendre des mesures pouvant aller à l’encontre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre en intervenant notamment sur les prix de l’énergie – rendent compliquée l’an

En outre, le Conseil d’Etat constate que les différentes évaluations menées par le Gouvernement sur les mesures prises pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre présentent un degré d’incertitude significatif en raison notamment de « l’absence d’évaluation rétrospective sur la capacité des mesures prises en compte à permettre effectivement les réductions d’émissions de gaz à effet de serre projetées à l’horizon 2030 ». Dès lors, cette évaluation dot être complétée par une appréciation des politiques sectorielles menées au regard des orientations fixées par secteur dans la stratégie nationale bas carbone (ci-après, SNBC).

Sur ce point, le juge a aussi analysé les éléments complémentaires produits par les associations requérantes ainsi que le rapport réalisé par le Haut conseil pour le climat conformément aux dispositions de l’article L. 132-4 du Code de l’environnement et publié en juin 2022.

 A l’issue de cet examen, le Conseil d’Etat a considéré que sa décision du 1er juillet 2021 n’avait pas été complètement exécutée, malgré la réduction des émissions de gaz à effet de serre constatées ainsi que les mesures adoptées dans certains secteurs d’activités et les investissements réalisés par le Gouvernement en lien avec la transition écologique énergétique.

En effet, il indique qu’il « demeure des incertitudes persistantes, qui n’ont pas été levées par l’instruction contradictoire menée, complétée par la séance orale d’instruction, quant à la capacité des mesures prises à ce jour et des modalités de coordination stratégique et opérationnelle de l’ensemble de l’action publique mises en œuvre, à rendre suffisamment crédible l’atteinte d’un rythme de diminution des émissions territoriales de gaz à effet de serre cohérent avec les objectifs de réduction fixés pour 2030 par les dispositions législatives nationales ou par le droit de l’Union européenne pertinents ».

Par conséquent, le Conseil d’Etat a enjoint à la Première ministre « de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre avec la trajectoire de réduction de ces émissions retenue par le décret du 21 avril 2020 précité en vue d’atteindre les objectifs de réduction fixés par l’article L. 100-4 du Code de l’énergie et par l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 avant le 30 juin 2024 et de produire, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024, tous les éléments justifiant de l’adoption de ces mesures et permettant l’évaluation de leurs incidences sur ces objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ».

Toutefois, comme en 2021, cette injonction n’a été accompagnée d’aucune astreinte.