le 30/08/2016

Le Conseil d’Etat suspend l‘arrêté « anti-burkini » du Maire de Villeneuve-Loubet

Ordonnance nos 402742, 402777 du 26 août 2016

Le Juge des référés du Conseil d’Etat, saisi en appel d’une ordonnance du Tribunal administratif de Nice du 22 août 2016, a décidé de l’annulation de l’ordonnance contestée devant lui, et par suite, de la suspension de l’arrêté de police pris par le Maire de Villeneuve-Loubet portant interdiction des tenues regardées comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages.

Ce faisant et par une décision particulièrement attendue et médiatisée, le Conseil d’Etat est venu rappeler, à titre liminaire, que le Maire d’une commune ne pouvait édicter une mesure de police fondée sur d’autres considérations que des risques d’atteintes avérés à l’ordre public.

Ceci pour répondre notamment aux considérants de l’ordonnance du Tribunal administratif de Nice laissant largement suggérer que les mesures de police en cause pouvaient se trouver justifiées par des « exigences de neutralité religieuse » et plus généralement par les marges de manœuvre accordées par la Cour européenne des droits de l’Homme aux Etats dans l’appréciation des conditions d’application de la libre expression de ses convictions religieuses garantie par l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH).

Le Conseil d’Etat apprécie dès lors uniquement la légalité de la mesure de police au regard des dispositions des articles L. 2212-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT) régissant les pouvoirs de police des Maires.

Dans ce cadre, il rappelle que l’intervention du Maire doit être subordonnée à la caractérisation de risques avérés d’atteinte à l’ordre public et se concrétiser en tout état de cause, par une mesure adaptée et strictement proportionnée aux intérêts en présence.

Or en l’espèce, il affirme qu’aucun des éléments produits devant lui ne permet de retenir que des risques d’atteintes à l’ordre public seraient susceptibles de résulter du port des tenues que l’arrêté querellé a entendu prohiber.

Le Conseil d’Etat ajoute à ce titre qu’  « en l’absence de tels risques, l’émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d’interdiction contestée ».

Par conséquent, le Conseil d’Etat conclut à l’illégalité manifeste de cette mesure de police, dont il affirme au surplus qu’elle a été de nature à porter une atteinte grave à non moins que trois libertés fondamentales, soit à « la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».

Il mérite enfin d’être relevé qu’en statuant sur l’absence de risque avéré d’atteinte à l’ordre public, tout en soulignant au demeurant l’incapacité du contexte national à fonder une telle mesure de police, le Conseil d’Etat laisse à notre sens bien peu de chance à une conclusion inverse sur un arrêté de police du même ordre dont il pourrait avoir à connaître.

Y compris, en effet si des rixes avaient effectivement eu lieu, rien ne permet de présager qu’elles seraient constitutives d’un risque avéré à l’ordre public au sens du droit administratif, soit entendues pour l’avenir puisqu’une mesure de police doit avoir une vocation préventive et que l’interdiction de cette tenue serait au surplus jugée proportionnée aux intérêts en cause.

Aussi, la possible reconnaissance de la légalité de ces arrêtés par le Conseil d’Etat dans certaines hypothèses, évoquée par certains, nous semble plus que largement improbable.