Aide aux victimes
le 22/05/2025
Marine ALLALI
Olivier LE GALL

L’ADN de parentèle : une des clés de résolution des Cold Cases ?

L’ADN (Acide Désoxyribonucléique) est considéré comme l’élément de preuve incontournable dans la plupart des enquêtes criminelles et au cours d’un procès se sont bien souvent les éléments matériels qui vont emporter la conviction des jurés.

Cependant, dans certaines affaires, le profil génétique d’un suspect peut être mis en évidence sans que celui-ci ne puisse être identifié.

C’est notamment le cas lorsque le profil génétique découvert sur la scène de crime ne correspond à celui d’aucun suspect identifié par l’enquête et que ce dernier est inconnu des fichiers.

La recherche d’ADN en parentèle est une innovation scientifique qui a fait ses preuves dans la résolution des affaires criminelle.

 

Un peu d’histoire sur l’ADN et le FNAEG

L’ADN a été découvert en 1944 comme constituant un élément essentiel du matériel héréditaire. Il détermine toutes nos caractéristiques organiques, morphologiques et, parfois pathologiques. Il détermine notre identité et permet de différencier un individu d’un autre.

En 1952, Rosalind Franklin découvre la structure hélicoïdale (en double hélice) de l’ADN, travail qui sera spolié par James Watson et Francis Crick.

En 1984, le professeur Alec Jeffreys découvre ce que l’on appelle communément « l’empreinte génétique », qui allait être largement utilisée dans le domaine des recherches judiciaires.

 

Cependant, afin d’identifier des personnes grâce à une trace génétique laissée sur une scène de crime, il était nécessaire de créer un fichier

La loi du 17 juin 1998 a donc créé, à la suite des dysfonctionnements liés à l’affaire Guy GEORGES, le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG) comptait à la fin de l’année 2023 :

  • 4,1 millions d’empreintes individus (suspects ou condamnés);
  • 000 traces non identifiées (issues de scène de crime).

Chaque année plus 300.000 profils et près de 100.000 traces sont enregistrés en base.

Tout prélèvement issu d’une scène de crime (sang, salive, cheveux, cellule épithéliale, sperme ou tout autre matière biologique) est alors comparé avec les profils enregistrés au FNAEG afin d’obtenir une correspondance et ainsi de tenter d’identifier l’auteur de la trace.

Concernant la durée de conservation en base FNAEG, le décret n° 2021-1402 du 29 octobre 2021 a modulé la durée de conservation du fichier en fonction de la gravité des infractions (de 15 à 25 ans pour les suspects et de 25 à 40 ans pour les condamnés) – R. 53-14 Code de procédure pénale – et jusqu’à 40 ans pour les traces.

Dès lors que la trace ADN relevée sur la scène de crime n’a pas pu être identifiée par comparaison directe avec les millions de profils génétiques de la base FNAEG, ou via des bases de données génétiques étrangères accessibles eu égard aux accords internationaux (traité de Prüm, Interpol, accords bilatéraux), le magistrat saisi peut demander que soit recherché dans ce fichier, toutes les personnes qui pourraient être apparentées en ligne directe avec la personne inconnue (ascendants ou descendants directs).

C’est en 2011, dans le cadre du viol et du meurtre d’Elodie KULIK, dont les proches ont saisi le cabinet SEBAN Avocats, qu’un ancien expert de l’IRCGN et officier de gendarmerie, va proposer d’utiliser pour la première fois en France cette technique novatrice déjà utilisée dans d’autres pays.

Cet expert en génétique est parti d’un raisonnement simple :

Notre ADN étant constitué pour moitié de l’ADN appartenant à notre père et pour l’autre moitié appartenant à notre mère, l’idée a été de rechercher au FNAEG, tout individu partageant pour moitié l’une ou l’autre de ces parties d’ADN avec le profil génétique inconnu et de tenter de remonter ainsi jusqu’à la personne recherchée.

Cette idée novatrice repose toutefois sur la nécessité qu’un parent du meurtrier soit connu de la justice et que son profil génétique soit inscrit au FNAEG.

A l’issue, l’expert remettra une liste de candidats pouvant aller d’une dizaine à une plusieurs centaines, tous potentiellement en lien de famille avec le suspect recherché.

Selon ce nombre de candidats, il s’en suivra un travail d’enquête plus ou moins long afin que les enquêteurs puissent discriminer les différents profils et ne retenir que les plus pertinents.

Un véritable travail de généalogie leur permettra in fine de remonter jusqu’à la personne recherchée.

Cette technique a été utilisée pour la première en 2012, dans l’affaire Elodie KULIK (2002), où le profil ADN relevé sur la scène de crime, inconnu au FNAEG, va finalement être identifié à l’aide de cette recherche en parentalité.

C’est ainsi qu’il s’est avéré que la personne fichée au FNAEG était finalement le père biologique du suspect.

Malheureusement, son fils décédé en 2003 ne sera jamais poursuivi pour ce crime, mais son ADN prélevé après exhumation confirmera qu’il s’agissait bien de la personne recherchée.

 

Conclusion

Si aujourd’hui la recherche en parentèle évolue, jusqu’à s’étendre aux collatéraux (fratrie), la mise en œuvre de cette technique rend in fine l’exploitation des résultats très chronophage pour les enquêteurs, sans aucune certitude d’obtenir un résultat positif.

Une autre technique, celle de la généalogie génétique, qui permet d’identifier des cousins jusqu’au 6ème degré, est beaucoup performante mais pour l’heure impossible à mettre en œuvre grâce au FNAEG en l’absence de cadre légal.