le 24/05/2018

La société peut poursuivre son existence en dépit de la mésentente de ses associés

Cass., Com., 5 avril 2018 , n° 16-19.829

L’article 1844-7 du Code civil énumère huit hypothèses dans lesquelles la société prend fin. Parmi ces cas de cessation figure au 5° « la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas […] de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».

Dans l’affaire ayant donné lieu à la présente décision, une SCI a été constituée entre trois associés, membre d’une même famille, avec 50 % des parts attribués au gérant et l’autre moitié répartie entre les deux autres associés à proportion de 25 % pour chacun d’entre eux. Les statuts prévoyaient par ailleurs que les assemblées seraient présidées par le gérant avec voix prépondérante pour les besoins du partage des voix.

Mais à la suite d’un sérieux désaccord avec le gérant sur la gestion de l’entreprise, les deux associés se sont adressés au juge afin d’obtenir la dissolution de la société en invoquant, sur le fondement du texte précité, une mésentente entre les associés qui paralyserait le fonctionnement de la société.

Si cette situation conflictuelle avait paru suffisante au juge d’appel pour constituer un juste motif au prononcé d’un arrêt de dissolution anticipée de la société, la Cour de cassation qui a remis en cause cette décision a estimé que les motifs de la décision d’appel étaient « impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société ».

Ainsi donc, pour obtenir la dissolution anticipée d’une société sur le fondement de l’article 1844-7, 5 du Code Civil, il ne suffit pas d’invoquer des circonstances faisant état de mésententes entre les associés, quelle qu’en soit la gravité, encore faudrait-il établir que cette mésentente est de nature à « paralyser » le fonctionnement de la société.  

Cet arrêt qui traduit une fidélité de la Cour de cassation à la fois à la lettre et à l’esprit de l’article précité vient clairement fixer la jurisprudence en donnant corps à la fiction de la personnalité morale constituée par la société commerciale. Celle-ci doit pouvoir poursuivre son existence en dépit de la mésentente de ses associés, sans « craindre » d’être dissoute, dès lors que la situation conflictuelle qui les oppose n’est pas de nature à en paralyser le fonctionnement.