le 06/09/2018

La saga TEOM se poursuit devant le Conseil d’Etat

CE, 25 juin 2018, Sté Auchan, req. n° 414056

Le Conseil d’Etat poursuit son œuvre prétorienne dans le cadre de son contrôle sur la proportionnalité des taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) fixés par les collectivités compétentes.

Par une décision rendue en mars 2014 (CE, 31 mars 2014, Société Auchan, req. n° 368111), le Conseil d’Etat a jugé que la TEOM devait financer sans excédent manifeste (pas plus de 15%) le coût du service public de gestion des déchets. La pratique révélait souvent, en effet, un vote des taux en excédent pour permettre un financement supplémentaire vers le budget général de la collectivité.

Depuis cet arrêt, les difficultés ont commencé, et s’accentuent encore aujourd’hui, pour les collectivités territoriales en charge de ce service public. En effet, de plus en plus de contribuables (entreprises, associations de contribuables, élus de l’opposition) introduisent des recours, soit directement à l’encontre de la délibération fixant le ou les taux de TEOM sur le territoire de la collectivité, soit, le plus souvent, à l’encontre du titre de recettes émis par le Direction des finances publiques compétentes (la TEOM étant recouvrée en même temps que les autres impôts locaux).

Dans chacun de ces cas, il appartient à la collectivité de démontrer qu’au jour de l’adoption des taux, il n’existait pas de disproportion manifeste entre les recettes prévisionnelles qui découleront de l’application des taux votés et le cout réel du service. Mais il est délicat de se prêter à ce calcul, dans la mesure où les juridictions pouvaient révéler des divergences quant aux modalités de ce calcul.

D’abord, le Conseil d’Etat a considéré que seules les dépenses réelles du service pouvaient être prises en compte, c’est-à-dire les dépenses réelles de fonctionnement augmentées des dotations aux amortissements des immobilisations affectées au service public de gestion des déchets (CE, 19 mars 2018, Sté Cora, req. n° 402946). Il a en revanche écarté les dépenses dites générales, c’est-à-dire la fraction de dépenses liées au fonctionnement plus général de la collectivité et affectée au service (frais de personnels, part des moyens techniques et administratifs affectés au service public, coût ventilé des bâtiments et charges générales, …). Si cette position est contestable, elle a au moins eu le mérite de fixer plus précisément les dépenses qu’il était possible de prendre en compte pour le calcul du coût du service, alors que les juridictions du fond avaient des positions divergentes sur cette question.

Dans ses trois dernières décisions – objet de la présente analyse – le Conseil d’Etat précise que :

– la somme des excédents de fonctionnement résultant de l’exécution des budgets des années précédentes et reportée en section de fonctionnement n’a pas à être prise en compte au titre des recettes du service (CE, 25 juin 2018, Sté Auchan, req. n° 414056) ;

– seuls les éléments du budget primitif, et non ceux – définitifs, issus du compte administratif ou du rapport annuel sur le prix et la qualité du service, peuvent constituer la base du calcul. Si le juge constate une différence manifeste entre les documents prévisionnels et définitifs, il peut seulement ordonner un supplément d’instruction (CE, 26 juillet 2018, SCI Le Grand But, req. n° 415274) ;

– que la collectivité ait ou non institué la redevance spéciale prévue par l’article L. 2333-78 du Code général des collectivités territoriales et quel qu’en soit le produit (aujourd’hui l’instauration de cette redevance n’est plus obligatoire), le juge doit rechercher si le produit de la taxe n’est pas manifestement disproportionné par rapport au coût de collecte et de traitement des seuls déchets ménagers, non couvert par les recettes non fiscales affectées à ces opérations, c’est-à-dire n’incluant pas le produit de la redevance spéciale lorsque celle-ci a été instituée. Au surplus, les données générales, issues du rapport de la Cour des comptes de 2011 et de l’étude de l’association Amorce en partenariat avec l’Ademe de 2014, selon lesquelles les collectivités territoriales collectent et traitent un volume de 20 % de déchets non ménagers, ne suffisent pas à établir que le produit de la redevance spéciale était insuffisant pour couvrir le coût des déchets non ménagers : le juge doit alors rechercher, au besoin au moyen d’un supplément d’instruction s’il estime non probants les éléments produits par le requérant, quelle était la part des coûts du service relatifs aux déchets non ménagers, pour procéder à la comparaison entre le produit de la taxe et le coût de collecte et de traitement des seuls déchets ménagers, après déduction des recettes non fiscales affectées à ces opérations, c’est-à-dire n’incluant pas le produit de la redevance spéciale (CE, 26 juillet 2018, L’immobilière Groupe Casino, req. n° 413897).
Ces décisions, si elles permettent de définir plus précisément les modalités de calcul du coût du service et sa comparaison avec les recettes prévisionnelles de TEOM, ne rendent pour autant pas plus aisée la tâche des collectivités dans la démonstration du coût de ce service.