le 17/05/2016

La question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 545 du Code civil tel qu’interprété par la jurisprudence ne peut pas être renvoyée au Conseil constitutionnel en l’absence d’applicabilité de ce texte au litige soumis à la Cour de cassation

Cass. Civ., 3ème, 11 février 2016, n° 15-21.949

Par cet arrêt, la troisième chambre civile de la Cour de cassation statue sur le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel relative à l’application jurisprudentielle de l’article 545 du Code civil.

En l’espèce, Monsieur X. et Madame Y., propriétaires d’un fonds voisin de celui de Monsieur Z., ont construit un bâtiment sur leur terrain.

Toutefois, Monsieur Z., estimant que ce bâtiment empiétait sur son terrain, a assigné Monsieur X. et Madame Y. en démolition.

Par un arrêt en date du 22 janvier 2008, une Cour d’appel a fait droit à la demande de démolition de Monsieur Z. et a accordé sous astreinte à Monsieur X. et à Madame Y. un délai de deux ans pour supprimer cet empiètement.   

Malgré les travaux entrepris par Monsieur X. et Madame Y., Monsieur Z., constatant qu’un empiétement sur son terrain subsistait, les a assignés en liquidation de l’astreinte.

Lors du pourvoi formé contre l’arrêt liquidant l’astreinte, Monsieur X. et Madame Y. ont demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’application jurisprudentielle de l’article 545 du Code civil selon laquelle « l’action en démolition de la partie d’une construction reposant sur le fonds d’un voisin ne peut jamais dégénérer en abus de droit ».

En l’espèce, la question prioritaire de constitutionnalité dont le pourvoi demandait le renvoi au Conseil constitutionnel était relative au point de savoir si l’article 545 du Code civil tel qu’interprété par la jurisprudence méconnaît les articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen garantissant le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée et de domicile et le principe selon lequel la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette la demande de renvoi de cette question prioritaire de constitutionnalité au motif que « la disposition contestée n’est pas applicable au litige […] ».

En effet, il convient de rappeler que l’article 545 du Code civil prévoit que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

Or, en l’espèce, le pourvoi en cassation formé par Monsieur X. et Madame Y. était dirigé contre l’arrêt ayant liquidé l’astreinte ; le litige n’avait donc trait qu’à la liquidation de l’astreinte et non à l’empiètement.

C’est d’ailleurs ce que précise expressément la Cour de cassation aux termes de cet arrêt en rappelant que le litige qui lui était soumis « […] concerne la seule liquidation d’une astreinte que le Juge de l’exécution peut seulement liquider ou modérer, sans remettre en cause le principe de l’obligation ».  

Elle considère par conséquent « qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ».

Ainsi, il ressort de cet arrêt qu’une question prioritaire de constitutionnalité n’est susceptible d’être  renvoyée par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel que pour autant que la disposition légale dont l’inconstitutionnalité est alléguée soit applicable au litige dont est saisi la Cour de cassation.