Lorsqu’une trace ADN est découverte sur une scène de crime, il peut s’agir soit d’une trace dite « riche » ou de « valeur » (sperme ou sang), soit d’une trace « pauvre ».
On parle alors de trace de contact, c’est-à-dire de cellules épithéliales (cellules recouvrant la peau) déposées sur un objet après sa manipulation.
Pour autant : est-il obligatoirement vrai qu’un contact direct a eu lieu entre la personne à l’origine de la trace ADN et l’objet ?
À cette interrogation, il convient de répondre par la négative puisqu’il existe des transferts d’ADN (I°), phénomène déjà mis en évidence dans plusieurs dossiers criminels (II°).
I. Classification des transferts d’ADN
Le transfert primaire d’ADN est la transmission d’un tissu biologique (sang, sperme, cellules épithéliales) sur un support.
Il s’agit de la preuve génétique la plus probante puisqu’il est possible de faire un lien direct entre la personne et le support, l’individu ayant touché l’objet analysé.
En revanche, le transfert secondaire d’ADN implique que l’ADN d’un individu se retrouve, sans contact direct, sur un support ou sur une tierce personne.
Cela suppose qu’un vecteur intermédiaire (objet ou personne) est responsable de la diffusion des cellules du donneur initial.
Le cas de figure classique est lorsqu’une personne transporte sur lui l’ADN d’un autre individu qui le dépose sur une troisième personne ou un objet.
De la même manière, les transferts peuvent être tertiaires ce qui implique que l’ADN d’une personne ait été transmis sur un support ou une personne par deux vecteurs.
Ces dernières hypothèses démontrent les limites de la preuve génétique en matière pénale.
Face à un possible transfert d’ADN, la preuve génétique ne peut qu’être perçue comme une orientation d’enquête et non une preuve irréfutable.
Ainsi, il revient aux experts, magistrats et avocats de s’interroger, à la lumière des éléments du dossier, sur l’activité à la source de la trace relevée et l’identité probable du déposant de celle-ci [1].
II. Illustrations de transfert d’ADN en procédure pénale
Au cours d’investigations sur un crime commis en région parisienne, une empreinte génétique était découverte sur un verre saisi sur la scène de crime.
Cette empreinte génétique était, dans un second temps, rapprochée avec le profil génétique d’un individu.
Or, il s’avérait que ce dernier ne connaissait pas la victime et, surtout, n’avait jamais mis les pieds à son domicile, en outre, il disposait d’un solide alibi au moment des faits.
Après enquête, il ressortait que cet homme avait, le jour des faits, serré la main du véritable meurtrier dans un bar et que par la suite ce dernier avait déposé l’ADN de l’homme sur le verre, ce qui constitue un exemple de transfert secondaire d’ADN.
Récemment, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence relaxait un prévenu en motivant sa décision sur cette même notion[2].
Dans le cadre d’investigations en lien avec une agression violente, un suspect était identifié par la présence de son profil génétique sur la doudoune de la victime, mais également sur les hématomes de celle-ci.
Or, au moment de cette agression, l’individu identifié était entendu par les gendarmes, de sorte qu’il ne pouvait pas être l’auteur recherché.
Afin d’expliquer la présence de son profil génétique, l’individu précisait qu’il avait travaillé, six mois auparavant, chez la victime.
La Cour d’appel relaxait l’individu en prenant pleinement en considération la problématique du transfert secondaire de l’ADN et l’absence d’autres éléments de preuve à charge.
Il est donc essentiel de garder à l’esprit que la simple présence de l’ADN d’une personne sur une scène de crime n’est pas nécessairement une preuve directe de sa participation à l’infraction poursuivie.
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[1] P. REVIRON « Transferts secondaires d’ADN : quand le réel dépasse la fiction », AJ.Pénal, 2024, p.29
[2] CA Aix-en-Provence, Chambre 5-4, 3 octobre 2022, n°22-372