le 04/11/2021

La mise en conformité des colonnes montantes pour les travaux de raccordement relève de la compétence du gestionnaire de réseau

Cour d'appel de Poitiers, 1ère, arrêt du 12 octobre 2021, nº 19/03016

Le Juge judiciaire vient de rendre une nouvelle décision qui fait application du mécanisme de transfert de propriété des colonnes montantes issu de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ELAN ».

En l’espèce, des copropriétaires avaient présenté auprès de la société Enedis une demande de raccordement au réseau de distribution d’électricité d’un lot dont ils étaient propriétaire, nécessitant la pose d’un compteur.

Enedis, gestionnaire du réseau de distribution, leur a notifié un refus de raccordement au motif de l’insuffisance de la colonne montante en termes d’ampérages et de sa vétusté, et précisant qu’aux termes de la concession pour la distribution publique d’électricité dont Enedis est titulaire, l’entretien et le renouvellement de la colonne montante de cet immeuble construite avant 1992 appartenait à ses propriétaires.

Les demandeurs avaient assigné la société Enedis afin d’obtenir le raccordement au réseau, et pour ce faire, sollicité sa condamnation à effectuer à ses frais les travaux de réfection et de renouvellement de la colonne montante nécessaires à la pose du tableau électrique et au raccordement demandé.

Par un jugement du 29 juillet 2019, le Tribunal de grande instance des Sables-d’Olonne a rejeté ces demandes aux motifs que la preuve de l’incorporation de la colonne montante au réseau public de distribution d’électricité n’était pas établie et que l’entretien relevait donc de la responsabilité de la copropriété.

En appel, aux termes de sa décision du 12 octobre 2021 commentée, la Cour d’appel de Poitiers relève d’abord que la situation juridique de la colonne montante a évolué depuis le jugement puisque, conformément à l’article L. 346-2 du Code de l’énergie issu de la loi ELAN, l’assemblée générale des copropriétaires avait décidé, le 6 août 2019, du transfert de la colonne montante au réseau de distribution d’électricité.

Et, observant que cette décision de transfert de la colonne montante avait été « actée et validée » (selon les termes de l’arrêt) par le gestionnaire de réseau par courrier, la Cour relève que la société Enedis n’a pas exécuté les travaux qui lui incombaient désormais. Selon la Cour en effet, « la mise en œuvre des travaux nécessaires sur la colonne montante relève désormais de la responsabilité d’Enedis, dans le cadre du respect de ses obligations de sécurité, notamment à l’égard de ses propres agents ».

La Cour d’appel condamne alors la société Enedis à effectuer la pose du tableau électrique et le raccordement au réseau du lot concerné dans un délai de quatre mois à compter de la signification de l’arrêt.

On ajoutera que la Cour d’appel a rejeté en revanche la demande d’indemnisation du préjudice de jouissance et d’agrément dont le copropriétaire se prévalait du fait du retard pris dans le raccordement de son habitation. La Cour retient pour ce faire que ce retard de raccordement « n’est imputable à la société Enedis que depuis la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires intervenue récemment le 9 août 2019 ».

Si cette conclusion peut surprendre au vu des différentes jurisprudences intervenues et souvent commentées dans notre Lettre d’actualité juridique Environnement Energie, on retiendra en tout état de cause, d’une part, le rattachement de l’obligation de rénovation d’une colonne montante à l’obligation de sécurité qui incombe au gestionnaire de réseau et, d’autre part, que le retard d’un raccordement pour refus de rénovation d’une colonne montante aux frais dudit gestionnaire postérieurement au transfert de cette colonne montante au réseau de distribution d’électricité pourrait engendrer l’indemnisation du préjudice de jouissance et de raccordement pour le propriétaire de l’habitation concernée, outre son droit à la réalisation des travaux de raccordement et de rénovation de la colonne montante en cause.

On ajoutera enfin que contrairement à ce que pourrait laisser penser l’arrêt commenté, la notification par les propriétaires de leur décision de transfert des colonnes montantes électriques présentes dans leur immeuble en application de la loi ELAN n’a pas, pour produire ses pleins effets, à être validée par le gestionnaire de réseau. L’article L. 346-2 du Code de l’énergie disposant que ce « transfert est effectué à titre gratuit, sans contrepartie pour le gestionnaire de réseau. Le gestionnaire de réseau ne peut s’opposer au transfert ni exiger une contrepartie financière ».

Les propriétaires devront néanmoins avoir conservé la preuve de la notification audit gestionnaire de leur décision de transfert.