le 16/12/2021

La CNIL publie 8 recommandations pour renforcer la protection des mineurs en ligne

Les droits numériques des mineurs, la CNIL

Depuis 2020, les autorités de régulation sont confrontées à des outils numériques qui visent de plus en plus spécifiquement les mineurs. Fort du constat issu de ses études et de sa volonté de dépasser le régime juridique existant quant au statut des mineurs, la CNIL a publié 8 recommandations issues d’une réflexion menée avec l’ensemble des acteurs concernés.

 

I. Le statut du mineur en droit français

A titre de rappel, les mineurs sont sous tutelle de leurs parents : c’est l’autorité parentale. L’autorité parentale s’exerce sur la personne du mineur, en ce qui concerne les droits et devoirs relatifs à l’éducation de l’enfant, et sur ses biens, avec la possibilité de réaliser des actes conservatoires, d’administration ou de disposition.

L’exercice de l’autorité parentale est mis en œuvre par les deux parents, sauf interdiction judiciaire à l’encontre d’un des parents ou pour les actes usuels.

De plus, en droit français, les mineurs disposent de la capacité de jouissance de droits mais pas de la capacité d’exercice. Les mineurs sont des sujets de droit mais ils n’ont pas de capacité juridique, cette aptitude étant dévolue aux parents au travers de l’autorité parentale.

En conséquence, il existe une prohibition générale sur la capacité du mineur à conclure un contrat. L’article 1146 du Code civil disposant que « Sont incapables de contracter […], les mineurs non émancipés », un mineur ne peut donc pas conclure un contrat. On parle d’une incapacité d’exercice qui s’étend à toute la période de la minorité. Cette incapacité cesse à la majorité (à l’âge de 18 ans) ou avec l’émancipation.

 

II. Les mineurs et la règlementation relative aux données à caractère personnel

Le mineur est mentionné à plusieurs reprises au sein du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la loi informatique et liberté (LIL).

Le RGPD évoque à plusieurs reprises les mineurs :

  • Considérant 38 : les mineurs doivent bénéficier d’une protection particulière ;
  • L’article 8 :

« Article 8 – Conditions applicables au consentement des enfants en ce qui concerne les services de la société de l’information

Lorsque l’article 6, paragraphe 1, point a), s’applique, en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information aux enfants, le traitement des données à caractère personnel relatives à un enfant est licite lorsque l’enfant est âgé d’au moins 16 ans. Lorsque l’enfant est âgé de moins de 16 ans, ce traitement n’est licite que si, et dans la mesure où, le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant.

Les États membres peuvent prévoir par la loi un âge inférieur pour ces finalités pour autant que cet âge inférieur ne soit pas en-dessous de 13 ans.

Le responsable du traitement s’efforce raisonnablement de vérifier, en pareil cas, que le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant, compte tenu des moyens technologiques disponibles ».

Avec son article 45, la LIL fixe l’âge de 15 ans à partir duquel un mineur peut consentir seul à un traitement de données à caractère personnel en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information. Il en résulte :

  • Mineur de 15 ans et plus : dispose de la capacité à consentir à un traitement de DCP en lien avec une offre directe de services liée à la société de l’information ;
  • Mineur de moins de 15 ans : partage la capacité à consentir à un traitement de DCP en lien avec une offre directe de services liée à la société de l’information.

 

III. Le constat de la CNIL

Sur son site internet[1], la CNIL indique que :

  • La navigation sur Internet sans intervention parentale est généralisée puisque 82 % des enfants de 10 à 14 ans indiquent aller régulièrement sur Internet sans leurs parents, contre 95 % pour les 15-17 ans ;
  • Les jeunes internautes se connectent de plus en plus tôt : selon la CNIL, la première inscription à un réseau social semble intervenir actuellement en moyenne vers 8 ans et demi.

Face à cela, la CNIL précise que 46 % des parents de jeunes âgés de 8 à 17 ans ont mis en place des solutions pour suivre l’activité de l’enfant sur Internet. La solution la plus utilisée est le système de contrôle parental, devant l’interdiction de parler aux inconnus.

IV. La consultation de la CNIL

Fort du constat, la CNIL a publié 8 recommandations issues d’une réflexion menée avec l’ensemble des acteurs concernés.

Les 8 recommandations de la CNIL :

1 – Encadrer la capacité d’agir des mineurs en ligne

2 – Encourager les mineurs à exercer leurs droits

3 – Accompagner les parents dans l’éducation au numérique

4 – Rechercher le consentement d’un parent pour les mineurs de moins de 15 ans

5 – Promouvoir des outils de contrôle parental respectueux de la vie privée et de l’intérêt de l’enfant

6 – Renforcer l’information et les droits des mineurs par le design

7 – Vérifier l’âge de l’enfant et l’accord des parents dans le respect de sa vie privée

8 – Prévoir des garanties spécifiques pour protéger l’intérêt de l’enfant

A titre de rappel, et comme cela est souligné par la CNIL, il n’est pas possible d’appréhender de la même manière l’autonomie, la protection, le consentement ou encore le rapport à l’autorité parentale d’un enfant de 6 ans et d’un adolescent de 16 ans.

Dans le cadre de cette brève, deux propositions seront évoquées : encadrer la capacité des mineurs d’agir en ligne et encourager les mineurs à exercer leurs droits.

 

V. La proposition de la CNIL d’encadrer la capacité des mineurs d’agir en ligne

Il existe un paradoxe à ne pas avoir reconnu une absence de « majorité numérique      globale » à 15 ans.

En effet, un mineur de plus de 15 ans peut décider seul :

  • d’accepter les cookies ;
  • d’opter pour un profil public ou privé sur un réseau social ;
  • d’activer une fonctionnalité optionnelle de géolocalisation sur une application.

Alors qu’un mineur de plus de 15 ans ne peut pas s’inscrire sur un réseau social.

Face à ce paradoxe, la CNIL a entamé une petite révolution. Elle permet dorénavant de conclure des contrats (en les qualifiant d’actes courants) ayant pour objet le traitement des données des mineurs dans le cadre de services en ligne (tels que l’inscription à un réseau social ou à un site de jeux en ligne), si et seulement si :

  • ces services sont adaptés aux publics mineurs qu’ils accueillent ;
  • ces traitements respectent strictement les règles de protection des données personnelles telles que fixées par le RGPD et la loi Informatique et Libertés (minimisation des données collectées, pour une finalité bien déterminée, une durée limitée et de manière sécurisée…) ;
  • le mineur est informé de façon claire et adaptée des conditions d’utilisation de ses données et de ses droits informatique et libertés, afin qu’il puisse comprendre le sens et la portée de son engagement ;
  • les parents disposent d’une voie de recours pour demander la suppression du compte de leur enfant s’ils l’estiment nécessaire afin de protéger son intérêt supérieur.

Aussi, il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’il serait possible, pour un mineur, de conclure des contrats dans certaines conditions.

 

VI. La proposition de la CNIL d’encourager les mineurs à exercer leurs droits

En France, ce sont les parents (représentants légaux titulaires de l’autorité parentale) qui exercent, en principe, les droits du mineur ; les mineurs ne bénéficient pas de la capacité d’exercice de leurs droits avant leur majorité.

Face à cela, la CNIL encourage de nouveau une évolution des pratiques.

Tout d’abord, elle constate que cette évolution est induite par le RGPD et la LIL.

Ensuite, il qu’il s’agirait d’une demande formulée par les parents (sondage IFOP).

Enfin, cela s’inscrit dans l’accroissement de la protection des mineurs.

Aussi, la CNIL permet aujourd’hui aux mineurs d’exercer directement leurs droits sur leurs données personnelles lorsque cette démarche peut être regardée comme un acte courant, notamment si elle correspond à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Cette capacité d’agir de manière autonome est sans préjudice de la possibilité pour les parents d’exercer les droits au nom de leur enfant et de l’accompagner dans cette démarche.

 

[1] https://www.cnil.fr/fr/droits-numeriques-des-mineurs-la-cnil-publie-les-resultats-du-sondage-et-de-la-consultation-publique