le 19/10/2021

LA CJUE vient d’apporter des précisions sur les modalités d’application du régime de TVA sur marge aux cessions de terrains à bâtir

Arrêt de la Cour, 1ère, 30 septembre 2021, n° C‑299/20

Depuis la réforme de la TVA immobilière intervenue en 2010 les conditions d’application de la TVA sur marge en cas de revente de terrains à bâtir pose de nombreuses difficultés d’interprétation entrainant une grande insécurité des opérations d’aménagement et de lotissement.

La Cour de justice de l’Union européenne – CJUE vient d’apporter une réponse, très attendue, aux questions préjudicielles que lui avait posé le Conseil d’Etat sur les modalités d’application du régime de TVA sur marge dans l’affaire ICADE Promotion (CJUE, 30 septembre 2021, n° 299/20).

Rappelons que par dérogation au principe de l’application de la TVA sur le prix total, en cas d’acquisition puis de revente d’un terrain à bâtir par un assujetti à la TVA, la cession peut être soumise à la TVA sur la marge lorsque son acquisition n’a pas ouvert droit à la déduction de la TVA.

Outre cette condition, qui est considérée comme remplie notamment lorsque l’acte d’acquisition ne mentionne pas de TVA ou lorsque l’immeuble a été acquis pour les besoins d’une activité hors du champ de la TVA, l’administration fiscale avait posé une condition d’identité juridique et physique entre le bien acquis initialement et le bien revendu dans des réponses ministérielles successives en 2016. 

L’Administration est ensuite partiellement revenue sur sa doctrine au travers de la publication de plusieurs réponses ministérielles.

Par deux décisions du 1er juillet 2020 (CE, 8ème, 431641, « RGBM » et 435463 « Immoxine » ) le Conseil d’Etat a conforté la position de l’Administration en précisant que le régime de TVA sur marge s’appliquait uniquement aux opérations de cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition avaient le caractère d’un terrain bâti.

Devant l’afflux des contentieux et la jurisprudence disparate des Cours administrative d’appel sur la question, le Conseil d’Etat a renvoyé à la CJUE une question préjudicielle dans le dossier ICADE PROMOTION à laquelle la CJUE vient de répondre et aux termes de laquelle :

  • Le régime de la TVA sur marge requiert une condition « d’identité juridique » et ne s’applique pas aux opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, des terrains à bâtir ; 
  • Le régime de la marge s’applique à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu’une division en lots ; 
  • Le terrain à bâtir qui a fait l’objet de travaux de raccordement aux réseaux reste un terrain à bâtir et ne devient pas un immeuble ; 
  • La TVA sur marge ne s’applique pas lorsque l’acquisition par l’acheteur-revendeur n’a pas été soumise à la TVA, « soit qu’elle se trouve en dehors de son champ d’application soit qu’elle s’en trouve exonérée ».  Le régime ne s’applique donc que lorsque l’acquisition a été soumise à la TVA sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe ou lorsque l’acquisition n’a pas été soumises à la TVA alors que le prix d’acquisition par l’assujetti revendeur incorpore un montant de la TVA qui a été acquittée en amont par le vendeur initial.

Ce dernier point mériterait d’être clarifié et selon l’interprétation qui en sera retenue par l’administration fiscale et les juridictions internes, outre les difficultés d’application qui en résulteront, il pourrait considérablement réduire le champ d’application de la TVA sur marge dès lors que cela conduirait à vérifier les conditions dans lesquelles le vendeur initial a acquis le bien pour déterminer le régime applicable à la revente par l’assujetti revendeur.

En outre, la Cour n’a pas traité le cas de figure fréquent, du détachement d’une parcelle, lorsque la parcelle d’origine supporte un bâti.

Un certain nombre de questions soulevées en pratique quant aux modalités d’application du régime de TVA restent donc en suspens et il est à espérer qu’il y sera répondu par la CJUE dans le cadre de la question préjudicielle qui lui a été renvoyée par la CAA de Lyon (CAA de Lyon, 5ème., 18 mars 2021, n° 19LY00501).

 

Laetitia Pignier,