le 30/08/2016

L’administration peut imposer l’exercice du droit de grève dès la prise de service pour nécessités d’ordre public

CE, 6 juillet 2016, Syndicat CGT des cadres et techniciens parisiens des services publics territoriaux et autres, n° 390031

Dans une décision récente, le Conseil d’Etat est venu élargir la possibilité d’imposer l’exercice du droit de grève dès le début de la prise de service des agents, pour le bon fonctionnement de ce dernier.

Faisant face à un conflit social opposant la Ville de Paris aux agents employés dans les équipements sportifs de la Ville, le secrétaire général de la Ville a pris une note imposant à ses agents de se déclarer grévistes au moins 48 heures avant le début de la grève fixée dans le préavis en précisant la durée de la cessation d’activité, et d’exercer leur droit de grève dès leur prise de service (et non en interrompant un service au milieu d’une journée).
Le Conseil d’Etat, saisi en cassation de l’ordonnance en référé-suspension du Tribunal administratif de Paris, a rappelé que, si la grève est un droit constitutionnellement garanti, « la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels du pays ».

Sur la première question, le Juge administratif a considéré que si la Ville de Paris pouvait imposer un préavis individuel de 48 heures avant le début de la participation d’un agent à la grève, tel n’était pas le cas d’un préavis individuel de 48 heures avant le début de la grève elle-même, dès lors qu’une telle mesure n’était justifiée ni par la limitation de l’usage abusif du droit de grève, ni par des raisons d’ordre public ou de besoins essentiels du pays.

A l’inverse est considéré comme justifié par des nécessités d’ordre public le fait d’imposer aux agents employés dans les équipements sportifs d’exercer leur droit de grève dès leur prise de service, cette mesure permettant de « prévenir les risques de désordres résultant notamment, en cas d’exercice du droit de grève en cours de service, de l’obligation d’évacuer de ces équipements le public qui y aurait déjà pénétré ».

C’est la première fois que le Juge administratif valide un tel règlement en dehors des services publics régis par des dispositions spécifiques et dont la continuité est considérée comme particulièrement importante par les textes (transports publics, service public de l’audiovisuel : v. Conseil d’Etat, 11 juin 2010, Syndicat SUD RATP, n° 333262 ; Tribunal administratif de Paris, 20 mars 2015, Syndicat SNJ et a. c/ France Télévisions, n° 1504493).

Tout en ouvrant donc cette possible réglementation du droit de grève à tout service public, cette décision ne peut qu’alerter les employeurs publics sur le fait qu’une limitation du droit de grève doit rester strictement nécessaire au maintien de l’ordre public et ne peut être liée au simple bon fonctionnement du service.