- Droit administratif
le 15/09/2022

Irrecevabilité d’un recours en annulation dirigé contre une simple interprétation d’un texte faite par l’administration

CE, 21 juillet 2022, Fédération des employés et cadres Force ouvrière, n° 449388

Par un arrêt en date du 21 juillet 2022, le Conseil d’Etat confirme sa position sur la justiciabilité des actes de droit souple et leur contestation devant le juge de l’excès de pouvoir.

Dans cette affaire, la Fédération des employés et cadres Force ouvrière avait saisi le ministère de l’intérieur d’une demande relative au fonctionnement des tables de jeux de blackjack et aux personnels habilités.

Par un courriel de réponse reçu par la Fédération le 7 janvier 2021, la cheffe du bureau des établissements de jeux de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur a fait part à la Fédération de l’interprétation à donner à la règlementation applicable aux casinos résultant de l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos.

La Fédération a alors demandé au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision qu’il estimait être contenue dans ledit courrier de réponse.

Le Conseil d’Etat a toutefois rejeté cette demande pour cause d’irrecevabilité, considérant que le courriel de réponse litigieux ne révélait ni ne contenait aucune décision et ne faisait donc pas grief.

En effet, faisant application du considérant de principe de son arrêt « GISTI » rendu le 12 juin 2020, aux termes duquel « les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre […] », le Conseil d’Etat a considéré que le courriel litigieux se bornait à répondre à une demande d’information présentée par la Fédération et qu’ainsi « il ne pouvait être regardé comme constituant un document de portée générale susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation des établissements de jeux ou leur salariés ».

Ainsi, le Conseil d’Etat confirme que le critère permettant de déterminer si un acte de droit souple peut être déféré au juge de l’excès de pouvoir tient à l’existence d’effets notables sur les droits ou la situation du requérant.

En jugeant ainsi, le Conseil d’Etat s’inscrit dans la continuité d’autres arrêts rendus antérieurement (à titre d’exemple : CE, 14 juin 2021, Fédération Départementale des Chasseurs du Gard, n°431832 ; CE, 21 juin 2021, Société Forseti, n°428324) et vient généraliser cette solution aux documents de l’administration ayant pour seul objet de répondre à une demande d’information sur une règlementation.