le 14/09/2016

Inconstitutionnalité de l’amende pour défaut de déclaration de comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l’étranger

CC, Décision n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 - M. Gilbert B.

La possession d’un compte bancaire situé à l’étranger est parfaitement légale à condition de respecter, pour le contribuable résident de France, les obligations déclaratives prévues à l’article 1649 A du Code général des impôts (CGI) quant à l’existence du compte bancaire et des revenus taxables générés par les placements (formalités à réaliser dans la déclaration annuelle de revenus).

En cas de défaut de déclaration, l’article 1736  IV du CGI prévoit une amende qui peut être :

 – soit forfaitaire (1.500 euros par an et par compte non déclaré, 10.000 euros lorsque l’obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires) ;

– soit proportionnelle au montant des avoirs placés sur le compte lorsque ceux-ci sont supérieurs à 50.000 euros (5 % du solde créditeur sans que cette somme puisse être inférieure aux montants forfaitaires ci-avant).

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 mai 2016 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur cette amende proportionnelle au solde des comptes lorsque leur total est supérieur à 50.000 euros au 31 décembre (second alinéa du paragraphe IV de l’article 1736 du CGI).

Cette amende de 5 % pouvait être particulièrement lourde en cas de découverte par l’administration du compte bancaire ouvert à l’étranger et non déclaré, puisque son application sur 4 années pouvait conduire les services fiscaux à mettre à la charge du contribuable défaillant une amende équivalent à 20 % des sommes placées sur le compte !

Dans le cadre d’une régularisation spontanée, le taux de l’amende était porté à 3% ou 1,5 % selon que le comportement du  titulaire du compte pouvait être qualifié d’actif ou passif.

Le Conseil constitutionnel a relevé que cette amende est encourue même dans l’hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n’ont pas été soustraites frauduleusement à l’impôt. Il a jugé qu’en sanctionnant d’une telle amende proportionnelle un simple manquement à une obligation déclarative, le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu’il a entendu réprimer.

Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraires à la Constitution les dispositions du second alinéa du paragraphe IV de l’article 1736 du CGI dans sa rédaction issue de la loi du 14 mars 2012.

En revanche, le Conseil constitutionnel a précisé que cette censure ne s’oppose toutefois pas à ce que les personnes concernées fassent l’objet de l’amende forfaitaire prévue par les dispositions du premier alinéa du même article.

Les conséquences de cette décision d’application immédiate diffèrent selon la situation du titulaire du compte.

  • soit le titulaire du compte n’a pas procédé à la régularisation spontanée de sa situation et n’a pas fait l’objet d’un redressement fiscal à ce titre.

Cette situation ne pourra pas perdurer dans le temps, même si le compte bancaire a été clôturé. L’administration française, de par les nouvelles dispositions en matière d’échanges automatiques d’informations internationales, aura bientôt connaissance de l’existence du compte et pourra engager une procédure de redressement (rappelons que l’administration dispose d’un délai de 10 ans pour agir, et peut donc redresser les titulaires de compte même si celui-ci a été clôturé après 2006).

Il est donc vivement conseillé aux personnes dans cette situation de s’engager dans le processus de régularisation spontanée afin de bénéficier des conditions favorables qu’elle prévoit et de l’impossibilité de l’administration, pour l’instant et avant une réforme de la Loi, d’appliquer l’amende proportionnelle ;

  • soit le titulaire a procédé à la régularisation de sa situation par le biais du Service de Traitement des Déclaration Rectificatives (STDR) de Bercy.

Tant que le dossier de régularisation n’est pas clos par une transaction signée, l’amende proportionnelle ne pourra pas être appliquée et pourra être remplacée par l’amende forfaitaire.

Si le dossier a été clôturé par la signature d’une transaction, la contestation de l’amende est en principe impossible, même si nous étudions les possibilités de solliciter tout de même la restitution ;

  • soit le titulaire du compte a fait l’objet d’une procédure de redressement fiscal au titre de la possession d’un compte bancaire non déclaré.

Dans ce cas, si l’amende notifiée ou mise en recouvrement par l’administration n’est pas prescrite, celle-ci pourra être contestée et sera annulée.

Si des sommes ont été versées à ce titre, elles seront remboursées.

Il est donc recommandé aux titulaires de comptes bancaires situés à l’étranger (ou clôturés après 2006) non déclarés de procéder à l’analyse des conséquences de cet arrêt du Conseil constitutionnel du 22 juillet 2016 sur sa situation personnelle, et de contacter leur conseil pour les assister dans cette démarche.