le 11/10/2017

Incompétence du gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité pour refuser une demande de raccordement au motif de l’irrégularité d’une construction

Cass. civ., 3ème, 15 juin 2017, n°16-16838

Par un arrêt en date du 15 juin dernier, la Cour de cassation a jugé que le gestionnaire d’un réseau public de distribution d’électricité ne peut pas fonder un refus à une demande raccordement sur la non-conformité des travaux à l’autorisation d’urbanisme.

Dans cette affaire, la SCI Panaco avait racheté un immeuble sur le territoire de la commune de Flexanville ayant fait l’objet d’un permis de construire en 1976 par le maire de la commune, mais dont les travaux avaient été interrompus par deux arrêtés municipaux pris en 1986 au motif de leur non-conformité audit permis de construire.

Alors que la Société d’Intérêt Collectif Agricole d’Electricité des départements d’Eure-et-Loir et des Yvelines (ci-après la « SICAE-ELY ») et le Syndicat Intercommunal d’Electricité de la Région d’Orgerus avaient émis en 1999 puis 2000 des avis favorables à la demande de raccordement au réseau public de distribution, la SICAE-ELY a refusé de procéder à ce raccordement à la demande de la SCI Panaco, eu égard aux deux arrêtés municipaux précités.

La SCI a donc saisi le Comité de Règlement des Différends et des sanctions (ci-après le « CoRDIS ») de la Commission de régulation de l’énergie qui a rejeté sa demande. En appel de la décision du CoRDIS, la Cour d’appel de Paris a confirmé ce rejet dans une décision du 7 avril 2016 contre laquelle la SCI s’est pourvue en cassation.

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel de Paris avait privé sa décision de base légale en considérant que l’immeuble avait fait l’objet de deux arrêtés ordonnant l’arrêt des travaux.

En effet, l’autorité compétente pour la délivrance des autorisations d’urbanisme peut, sur le seul fondement de l’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme (ancien article L. 111-6), s’opposer au raccordement d’un bâtiment, local ou installation au réseau public de distribution d’électricité lorsque « leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions ».

Et, dans une telle hypothèse, ce refus est adressé par l’autorité compétente – en principe, le maire d’une commune – au gestionnaire du réseau et, s’il y a lieu, au demandeur. Il constitue une mesure de police de l’urbanisme qui peut être contestée par la voie d’un recours en excès de pouvoir (cf. CE, 24 mai 2014, SCI Les Verdures, n°359554).

Le modèle de cahier des charges du contrat de concession de la distribution publique de l’électricité, négocié en 1992 par la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR) et Electricité de France (EDF), prévoit dans le même sens que le gestionnaire du réseau ne peut donner une issue favorable à une demande de raccordement dans le cas notamment où le demandeur a reçu une « (…) injonction contraire de l’autorité compétente en matière d’urbanisme (…) » (cf. article 23 du modèle FNCCR-EDF du Cahier des charges du contrat de concession de la distribution publique de l’électricité de 1992).

C’est, sans en faire directement référence, ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt commenté en réaffirmant avec force les pouvoirs dont dispose l’autorité de police administrative spéciale : le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité ne pouvait légalement refuser de raccorder l’immeuble en cause dès lors qu’aucune décision de la commune de Flexanville n’était intervenue sur le fondement de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme.

Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 15 juin 2017, n°16-16838.