le 21/12/2017

Illégalité du refus d’inscription d’un élève à la cantine scolaire au motif de l’insuffisance de places disponibles

TA Besançon, 7 décembre 2017, Mme G, n°1701724

Par un jugement du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision d’un maire refusant d’inscrire un élève d’une école primaire de la commune à la cantine scolaire, prise au motif de l’insuffisance de places disponibles (TA Besançon, 7 décembre 2017, Mme G, n° 1701724).

Pour rappel, à la différence des départements et des régions, le service public de la restauration scolaire est facultatif pour les communes.

Il en résulte que celles-ci n’ont aucune obligation de créer ou de maintenir un service de restauration scolaire, et que les dépenses afférentes présentent un caractère facultatif (article L. 2321-2 du CGCT).

Il en résultait également, jusqu’à il y a peu, la possibilité de restreindre les conditions d’accès en raison de capacités d’accueil limitées du service, dans la limite de ne pas instaurer, à cette occasion, un critère discriminatoire entre les élèves, sans lien avec l’objet du service (CE, 25 octobre 2002, Mme Renault, n° 251161 ; 23 octobre 2009, Fédération des conseils de parents d’élèves de l’enseignement public du Rhône, n° 329076).

Par exemple, la circonstance que les parents d’un enfant sont sans emploi ne peut légalement fonder la limitation de l’accès de cet enfant à la cantine (TA Lyon, 21 janvier 2010, Commune d’Oullins, n° 0903116).

Cette interdiction des discriminations a été consacrée par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Le nouvel article L. 131-13 du Code de l’éducation dispose en effet :

« L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

Ces dispositions semblent néanmoins avoir introduit, au-delà de la seule interdiction des discriminations (d’ores-et-déjà sanctionnés par la jurisprudence), lorsqu’un service de restauration scolaire existe, une obligation d’accueil de l’ensemble des élèves par les communes.

C’est ce qu’a jugé le Tribunal administratif de Besançon, dans son jugement susmentionné du 7 décembre 2017.

Il a plus précisément estimé que ces dispositions « impliquent que les personnes publiques ayant choisi de créer un service de restauration scolaire pour les écoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit ». Et le Tribunal d’ajouter que les communes « doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif du manque de place disponible, refuser d’inscrire un élève qui en fait la demande » (cons. 2).

Il s’est référé, pour ce faire, aux travaux parlementaires de la loi du 27 janvier 2017. A cet égard, le rapport n° 827 de Mmes les sénatrices Estrosi Sassone et Gatel du 14 septembre 2016 indique que « la proposition de loi instaure une obligation d’accueil de l’ensemble des élèves pour l’autorité responsable de la restauration scolaire » (p. 540).

Dans l’affaire soumise au Tribunal administratif de Besançon, la mère d’un élève de primaire s’était vu refuser l’inscription de son fils aux services périscolaires communaux de restauration scolaire et d’accueil du matin et de l’après-midi, au motif de l’absence de place disponible.

Ces refus étaient fondés sur le règlement communal des accueils périscolaires pour l’année scolaire 2017/2018, en application duquel :

« Aucun enfant n’est admis à un service périscolaire sans que sa demande d’inscription n’ait été validée par une attestation d’inscription. / La demande d’inscription est acceptée lorsque : – le dossier complet a été remis dans les délais ; / – Le nombre de places disponibles est suffisant ; / – La famille est à jour du paiement des factures de périscolaires ; / – Le service est ouvert. / Dans les écoles où le nombre des demandes d’inscription pour un service périscolaire est supérieur au nombre de places, les enfants sont accueillis selon les priorités suivantes : / – Enfants des familles monoparentales qui ne sont pas en capacité de prendre en charge leurs enfants durant le temps périscolaire ; / – Enfants des autres familles qui ne sont pas en capacité de prendre en charge leurs enfants durant le temps périscolaire ; / – Enfants présentant des difficultés d’intégration ou dans les apprentissages confirmées par les directeurs des écoles et enfants des familles rencontrant des difficultés d’ordre social ; / – Autres enfants. […] ».

Le Tribunal a considéré que ces dispositions méconnaissaient les dispositions législatives précitées, en tant qu’elles subordonnaient l’inscription à la cantine des élèves qui en font la demande à l’existence de places disponibles.

Il en a conclu que le refus du maire, pris sur la base de ce règlement communal des accueils périscolaires, était lui-même illégal et devait être annulé.

Cette solution paraît très éloignée des réalités concrètes auxquelles sont confrontées les communes, qui peuvent souhaiter mettre en place un service de restauration scolaire sans néanmoins avoir les moyens de garantir un accueil de l’ensemble des usagers. Elle risque fort de dissuader certaines communes de mettre en place un tel service, ce qui priverait alors tous les enfants d’accès à ce service. Elle apparaît néanmoins conforme aux dispositions légales. De sorte qu’une modification législative serait nécessaire pour revenir à la solution antérieure, qui se voulait davantage pragmatique, tout en interdisant déjà les discriminations.

Notons que le Tribunal a, à la suite de son annulation, enjoint à la Commune de réexaminer la demande de la requérante, et non de procéder à l’inscription sollicitée. Il semble qu’il faille en déduire que, si le critère pris de l’insuffisance de places est illégal, d’autres critères peuvent néanmoins être fixés, comme c’était le cas en l’espèce puisque le règlement précité subordonnait également l’inscription à la cantine à la réunion des conditions suivantes : le dépôt d’un dossier complet dans les délais impartis, la régularité de la situation de la famille au regard du paiement des factures des activités périscolaires, l’ouverture du service. En d’autres termes, le droit d’inscription n’est pas absolu.

Enfin, le Tribunal a, en revanche, jugé que les dispositions légales relatives aux services périscolaires d’accueil du matin et de l’après-midi (article L. 551-1 du Code de l’éducation) n’instituent pas un droit d’y être inscrit pour chaque élève, et a rejeté les conclusions aux fins d’annulation dirigées contre les refus correspondants.