le 17/12/2020

Illégalité d’une méthode de notation du critère prix

CE, 21 Septembre 2020, Société BM Environnement, n° 425216

Par un arrêt en date du 21 septembre 2020, le Conseil d’Etat a censuré une méthode de notation des offres, appliquée à un marché public de services juridiques, ayant consisté, d’une part, à additionner les prix unitaires des prestations de l’accord-cadre (réalisation de consultations juridiques, représentation en justice, assistance dans le cadre de modes alternatifs de règlement des différends…), sans leur appliquer aucune pondération ni tenir compte des quantités prévisionnelles de chacune des prestations demandées et, d’autre part, à attribuer la meilleure note à l’offre proposant la somme des prix unitaires la plus basse et à calculer la note des autres offres une note calculée en fonction de leur écart avec l’offre la mieux disante.

S’agissant du contexte, rappelons qu’un groupement de commandes composé de la commune de Perpignan et de la communauté urbaine Perpignan Métropole Méditerranée a lancé une consultation pour un accord-cadre à bons de commande portant sur des prestations de services juridiques réparties en six lots. Les lots n° 1 et n° 5 qui portaient sur du conseil juridique, de la représentation en justice et les modes alternatifs de règlement des conflits en droit public général et droit de la commande publique (lot 1) et en droit de la fonction publique et droit du travail  (lot 5), ont été attribués à la société Sanguinède di Frenna.

Toutefois, informée du rejet de son offre, la société Charrel et associés a saisi le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Montpellier afin de contester la légalité de la méthode de notation précédemment détaillée et donc la validité de la procédure de passation des lots n° 1 et n° 5.

La procédure de ces lots ayant été annulée par le juge des référés, le groupement de commandes, par l’intermédiaire de la commune de Perpignan, s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat afin de défendre la validité de cette méthode de notation, en vain.

En effet, le Conseil d’Etat a jugé cette méthode illégale.

A cet effet, il a tout d’abord rappelé la solution qu’il avait dégagé dans sa décision commune de Belleville-sur-Loire (CE, 3 novembre 2014, req. n° 373362) selon laquelle « le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Toutefois, une méthode de notation est entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ».

Surtout, le Conseil d’Etat a considéré, dans cette affaire, que la méthode de notation était illégale et constituait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence car « eu égard à la diversité des prestations faisant l’objet de l’accord-cadre et à l’écart très important des prix unitaires proposés par les candidats, cette méthode de notation, qui renforçait l’importance relative des prix unitaires les plus élevés dans la notation du critère du prix alors même que le nombre prévisible de prestations correspondantes était faible, était par elle-même de nature à priver de sa portée ce critère, et, de ce fait, susceptible de conduire à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre sur ce critère ».

Et, le Conseil d’Etat a relevé que : « il résulte de l’instruction que la société Charrel et associés proposait des prix unitaires plus faibles que l’attributaire pour les consultations juridiques simples et pour les consultations juridiques complexes. Une pondération supérieure des prix de ces dernières prestations par le pouvoir adjudicateur, par rapport aux prestations de représentation en justice et d’assistance aux modes de règlement alternatif des litiges, aurait pu permettre à la société requérante d’obtenir la meilleure note sur le critère du prix. Eu égard à l’écart de 0,1 point seulement entre cette société et la société attributaire sur les autres critères, obtenir la meilleure note sur ce critère aurait pu lui permettre de remporter le marché. Il s’ensuit que ce manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence est susceptible d’avoir lésé la société Charrel et associés. Par suite, celle-ci est fondée à demander l’annulation de la procédure de passation des lots n°s 1 et 5 du marché en litige, au stade de l’examen des offres ».