Contrats publics
le 23/05/2024

Illégalité d’une convention résultant de l’illicéité de son objet : interdiction de faire participer un opérateur économique à l’exécution du service public du contrôle fiscal

CAA Marseille, 12 février 2024, commune d'Ajaccio, req. n° 22MA01509

La Cour administrative d’appel de Marseille, dans une décision en date du 12 février dernier, a fait application de la règle tenant à l’interdiction de confier à un tiers l’exercice du service public du contrôle fiscal et a, par application de cette dernière, qualifié une convention d’illégale du fait du caractère illicite de son objet, lequel consistait à faire participer cet opérateur à l’exécution du service public du contrôle fiscal.

Cette décision a été rendu au sujet d’un contrat conclu entre la commune d’Ajaccio et un opérateur économique, précisément une convention d’audit et de conseil en ingénierie fiscale destinée à identifier, au profit de la commune, les possibilités d’optimisation de la taxe locale sur la publicité extérieure. Le contentieux avait pris naissance dans le cadre de difficultés rencontrées entre les deux parties, du fait notamment de la position adoptée par cet opérateur, lequel avait considéré que la commune avait mis fin aux relations contractuelles de manière unilatérale et que cette dernière lui devait une somme de 30.000 euros.

Le Tribunal administratif de Bastia, saisi d’une demande de paiement de la part de cet opérateur, avait fait droit à cette demande, ce qui a conduit la commune d’Ajaccio à porter l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Marseille. Après avoir rappelé le considérant de principe relatif à l’office du juge du contrat[1], la Cour s’est penchée sur le contenu de la convention ici en cause. Elle a, en résumé, retenu que « la mission dévolue contractuellement à la société CTR ne se limitait pas au recensement des enseignes, préenseignes et dispositifs publicitaires et à la fourniture de conseils d’ordre général, mais impliquait l’accès à des données fiscales personnelles. Ainsi, le fonctionnement de l’application  » TLPE-Online  » impliquait que le consultant fût informé de l’identité des contribuables ayant manqué à leurs obligations déclaratives et participât au traitement des déclarations reçues. En outre, l’article 5.1 de la convention confiait à la société le soin d' » effectuer la gestion des contestations  » des contribuables. Enfin, l’article 5.2 de cette convention prévoyait l’obligation pour la commune d’assurer la  » transmission à CTR de tous les éléments et documents justifiant de la perception de la Taxe  » ».

Aussi, la Cour a jugé que la convention avait « fait participer la société à l’exécution même du service du contrôle fiscal ». Et, par application, notamment, de la règle selon laquelle le service de contrôle de l’assiette des impositions de toute nature ne peut être confié qu’à des agents placés sous l’autorité directe de l’administration[2], la Cour a qualifié l’objet de la convention d’illicite puisqu’il avait fait participer cette société à l’exécution même du service du contrôle fiscal.

Enfin, tirant les conséquences des constats précités, la Cour a considéré que « la société ne peut donc réclamer le paiement des sommes dues en vertu du contrat » et que « la commune d’Ajaccio est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a fait droit à la demande de condamnation présentée par la société CTR ».

 

[1]  « Le juge du contrat, juge de plein contentieux saisi par une partie, peut relever d’office une irrégularité tenant au caractère illicite du contenu du contrat. Dans ce cas, si le juge est saisi d’un litige d’exécution du contrat, il doit l’écarter et ne peut pas régler le litige sur le terrain contractuel ».

[2] Cette règle est prévue, notamment, par les articles L. 2333-6 et R. 2333-13 du Code général des collectivités territoriales et l’articles L. 103 du livre des procédures fiscales.