Fonction publique
le 09/02/2023
Jeanne-Thérèse SCHMITJeanne-Thérèse SCHMIT

Illégalité du licenciement pour insuffisance professionnelle révélant une discrimination liée au handicap en l’absence d’aménagements adéquats

CAA Marseille, 5 avril 2022, n°21MA01214

Les administrations qui envisagent le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un agent sujet à un handicap doivent être prudentes sur les conditions de travail de leurs agents, et particulièrement à conformité des aménagements mis en place.

Le 16 juillet 2018, Mme A. était recrutée pour assurer le poste d’adjoint d’animation dans un centre de loisirs municipal du 27 août 2018 au 25 août 2019.

Par arrêté en date du 22 janvier 2019, le maire de la commune prononçait son licenciement pour insuffisance professionnelle, fondé d’une part sur son manque de rigueur dans l’exercice de ses missions, compte tenu des erreurs commises lors du comptage des enfants, et d’autre part sur « son manque de sincérité » quant à ses aptitudes et compétences professionnelles.

Mme A. demandait l’annulation de cette décision devant le Tribunal administratif de Marseille en soutenant que son licenciement, formellement prononcé pour insuffisance professionnelle, était en réalité empreint de discrimination liée à son handicap. Elle formulait également une demande d’indemnisation.

Par jugement du 1er mars 2021, le Tribunal administratif de Marseille rejetait l’ensemble de ses demandes.

Saisi de l’appel interjeté contre ce jugement, la Cour administrative de Marseille a donné une issue tout à fait différente au litige.

Pour ce faire, la Cour a d’abord rappelé la prohibition de toute discrimination, directe ou indirecte, en raison du handicap, ainsi que l’office du juge en la matière. La Cour a ensuite énoncé, dans un considérant de principe, que : « doit être regardé comme empreint de discrimination, et à ce titre illégal, le licenciement d’un agent public prononcé en raison de faits directement en rapport avec son état de santé ou son handicap, sans qu’aient été prises les mesures de nature à permettre l’adaptation du poste de cet agent à son état de santé ou à son handicap, compatibles avec les nécessités du fonctionnement du serviceDans l’hypothèse où de telles mesures ne peuvent être mises en œuvre, il revient à l’administration d’engager la procédure de licenciement de l’agent pour inaptitude physique ».

Appliquant cette règle au cas d’espèce, la Cour a d’abord constaté que Mme A. souffrait de troubles sévères de dyslexie et de dyscalculie et qu’elle s’était vue reconnaître, du fait de cet handicap, la qualité de travailleuse handicapée le 4 juillet 2019. La commune avait eu connaissance de ses troubles au plus tôt le 13 décembre 2018.

La Cour s’est donc considérée saisie de faits susceptibles de faire présumer une discrimination à l’encontre de Mme A., cette dernière affirmant en effet que son licenciement avait été prononcé parce qu’elle n’avait pas informé son recruteur de son handicap préalablement à son recrutement.

Remplissant l’office du juge en matière de discrimination, la Cour a dès lors examiné les éléments produits par la commune visant à établir que sa décision n’était pas entachée de discrimination.

Cet examen l’a conduite à considérer, d’une part, que la commune ne pouvait valablement prétendre avoir été informée par Mme A. de ses troubles trop tardivement pour adopter des mesures de nature à en tenir compte et d’autre part, que les erreurs reprochées à Mme A. étaient directement liées à son handicap et qu’elles auraient pu être évitées si des mesures d’adaptation avaient été prises, ce qui n’avait pas été le cas.

Dans ces conditions, la Cour a jugé que la décision de licenciement devait être annulée en ce qu’elle ne pouvait qu’être regardée comme reposant sur des motifs entachés de discrimination liée au handicap de Mme A. Cette illégalité étant fautive, la Cour a indemnisé Mme A. des préjudices subis.

Au-delà du cas d’espèce, cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille donne par l’exemple quelques leçons utile pour ce type de situation :

  • Des précautions particulières lorsqu’il s’agit d’envisager l’insuffisance professionnelle d’une personne atteinte d’un handicap ;
  • Une invitation à prendre rapidement toutes les mesures idoines pour adapter le poste de l’agent à son état de santé ou à son handicap ;
  • Un avertissement contre un détournement de procédure consistant à opter pour un licenciement pour insuffisance professionnelle en lieu et place d’un licenciement pour inaptitude, dans l’hypothèse où les mesures d’adaptation ne pourraient être mises en œuvre.