La Cour des comptes a récemment mis en ligne ses observations relatives à la stratégie de soutien au développement de l’hydrogène décarboné mise en œuvre par l’État.
Ce rapport s’avère particulièrement sévère avec la stratégie de l’Etat, puisqu’il conclut que ce dernier a péché par optimisme en prévoyant des objectifs jugés « irréalistes ».
L’institution constate en effet que la stratégie nationale hydrogène publiée en 2020 prévoit un objectif de 6,5 GW de capacités de production d’hydrogène électrolytique installées à l’horizon 2030 et que le projet de deuxième stratégie nationale hydrogène non encore publiée au moment de la rédaction des conclusions de la Cour (publiée le 16 avril 2025) prévoyait non seulement de confirmer cet objectif, mais également d’y adjoindre un second objectif de 10 GW de capacité de production d’ici à 2035.
Pourtant, la Cour des comptes estime que les dispositifs de soutien mis en place par l’État pourraient, au mieux, permettre la mise en place de 0,5 GW à 3,1 GW d’ici 2030. Sur ce point, le Premier ministre indique dans sa réponse à la Cour que la seconde stratégie nationale publiée le 16 avril 2025 a pris en compte cet élément en réduisant l’objectif de capacité de production à 4,5 GW en 2030 et 8 GW en 2035, ce qui reste néanmoins optimiste au regard des estimations de la Cour des comptes.
La Cour des comptes pointe également une place disproportionnée accordée à la mobilité routière dans les dispositifs de soutien public, ce secteur se voyant accorder près de 50 % des dépenses déjà engagées par les pouvoirs publics. En revanche les magistrats estiment que la question des infrastructures de transport et de stockage d’hydrogène nécessiterait d’être davantage traitée.
L’institution constate l’importance du soutien public déployé en faveur de cette industrie, et estime que le coût global des dispositifs de soutien en faveur de l’hydrogène s’établirait entre 9,6 milliards d’euros et 13 milliards d’euros en incluant le coût de certains avantages profitant aux producteurs d’hydrogène tels que la compensation carbone, la tarification réduite pour l’usage des réseaux d’électricité et l’exonération d’accises sur l’électricité.
La Cour des comptes s’inquiète toutefois que ce large soutien public engendre des coûts importants pour la collectivité si la production d’hydrogène restait à long terme non compétitive, puisque les pouvoirs publics compensent par leur soutien financier cet écart de compétitivité. En effet, les magistrats estiment que, si les objectifs de la stratégie nationale en termes de capacité de production devaient être atteints, le coût du soutien à la filière hydrogène pour les pouvoirs publics se situerait entre 3,5 et 8,6 milliards d’euros par an.
Dans sa réponse à la Cour en date du 23 mai 2025, le Premier ministre indique que le soutien public n’a pas pour objectif de financer toute la capacité de production nécessaire à l’atteinte des objectifs, mais uniquement de soutenir les premières étapes de déploiement de cette technologie et que les « mécanismes de marché » assumeront une part significative de ce soutien dès 2030 par l’effet du règlement Refuel EU.
Afin de résoudre les problématiques identifiées, la Cour des comptes formule les quatre recommandations suivantes :
- Assurer un suivi statistique de la production et de la consommation d’hydrogène incluant l’ensemble des sources et des usages.
- Fixer dans les documents de planification énergétique des trajectoires de consommation et de production d’hydrogène réaliste au regard des perspectives de développement et de compétitivité de la filière.
- Mettre en œuvre et contrôler l’exclusion effective de la production d’hydrogène à destination du raffinage de tout bénéfice du mécanisme budgétaire de soutien à la production.
- Procéder à une évaluation des soutiens déjà apportés aux projets de mobilité routière afin de redéfinir la place de ces usages dans la stratégie nationale hydrogène.