Droit de la construction et assurances
le 12/03/2025

Garantie décennale : La Cour de cassation réaffirme le droit du maître d’ouvrage à choisir les modalités de réparation de son préjudice

Cass. Civ., 3ème, 16 janvier 2025, n° 23-17.265

Dans cette affaire, un maître d’ouvrage avait confié à une entreprise la réalisation d’une centrale photovoltaïque en toiture d’un bâtiment agricole.

Postérieurement à la réception, intervenue de manière tacite, le maître d’ouvrage a constaté des désordres consistant en des pénétrations d’humidité importantes.

A la suite d’une expertise judiciaire, plusieurs causes ont été mises en lumière : un phénomène d’infiltrations ainsi qu’un phénomène de condensation dû à l’absence d’écran sous toiture.

Le maître d’ouvrage sollicitait en conséquence l’indemnisation des préjudices correspondant notamment à la reprise intégrale de la couverture, chiffrée selon devis, et la perte des récoltes stockées.

La Cour d’appel, après avoir énoncé que le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer les modalités de réparation du préjudice, s’est attachée à relever que si l’expert avait considéré qu’il convenait de procéder au remplacement complet de la couverture photovoltaïque, il avait néanmoins admis la possibilité de mise en œuvre d’un kit de réparation que l’entreprise s’était proposée de réaliser.

Relevant que cette solution avait cependant été refusée par le maître d’ouvrage au motif de l’absence d’assurance de bon fonctionnement de l’installation et de confirmation d’un délai d’intervention, la Cour d’appel a néanmoins prononcé la condamnation de l’entreprise à réaliser le kit de réparation, au motif que cette solution « permet de remédier aux infiltrations et que celle-ci constitue une réparation proportionnée et adaptée au dommage sans enrichissement pour le maître de l’ouvrage », constituant dès lors une « réparation satisfactoire ».

Le maître d’ouvrage s’est pourvu en cassation contre cet arrêt au motif que la Cour avait prononcé la condamnation de l’entreprise à réparer les désordres alors même qu’il s’opposait aux modalités de réparation proposées et que la réparation en nature ne peut en tout état de cause être imposée au maître d’ouvrage.

Le premier intérêt de la décision de la Cour de cassation, publiée au Bulletin, réside dans la réaffirmation du principe selon lequel « l’entrepreneur, responsable de désordres de construction, ne peut imposer à la victime la réparation en nature du préjudice subi par celle-ci », et ce, peu important que l’entreprise n’ait commis aucune faute (Cass. 28 septembre 2005, n° 04-14.586).

Dans le droit fil de sa décision de principe de 2005, la Cour de cassation juge ici que : « le juge du fond ne peut condamner un constructeur responsable de désordres à procéder à leur reprise en nature, lorsque le maître de l’ouvrage s’y oppose ».

On retiendra que la réparation en nature est un choix à la discrétion du maître d’ouvrage, qui ne souffre aucune limite, et notamment l’absence de faute de l’entrepreneur, ou encore le caractère proportionné et adapté de la réparation proposée.

La position constante de la Cour de cassation se rapproche ainsi du sens de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui privilégie la réparation pécuniaire, sauf demande contraire du maître de l’ouvrage ayant subi le sinistre.

Le second intérêt de la décision qui mérite d’être signalé est la réaffirmation de modalités d’appréciation de l’impropriété à destination. La Cour de cassation rappelle en effet que la destination de l’ouvrage s’apprécie par référence à la destination « découlant de son affectation, telle qu’elle résulte de la nature des lieux ou de la convention des parties ».

La Cour censure en conséquence ici les juges d’appel en ce qu’ils ne se sont pas attachés à rechercher si le phénomène de condensation à l’intérieur d’un bâtiment agricole dédié au stockage de récoltes était de nature à porter atteinte à sa destination.