le 12/10/2017

La réglementation thermique : quelles obligations pour les constructeurs à l’horizon 2018-2020 ?

LOI n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement

La réglementation thermique dite « RT » 2012 fixée par la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et entrée en vigueur le 1er janvier 2013, impose de nouvelles exigences d’isolation thermique aux constructeurs de bâtiments neufs.

Elle répond à la nécessité de réduction de la consommation d’énergie, induite à la fois par le coût croissant de la facture énergétique et par la prise de conscience des enjeux environnementaux.

Cette RT 2012 reprend les exigences énergétiques qui existaient déjà pour le label Bâtiment Basse Consommation (BBC) en les rendant désormais obligatoires alors que le BBC n’était qu’un label pour lequel la certification était volontaire.

Après l’entrée en vigueur de la RT 2012, un nouveau label plus ambitieux, le Bâtiment à Energie Positive (BEPOS), a été mis en place par Effinergie en 2013, l’association à l’origine du label BBC.

Les exigences de performance énergétique liées à ce label seront obligatoires pour les bâtiments publics dès 2018 et généralisées pour l’ensemble des bâtiments à l’horizon 2020.

Les obligations liées à la RT 2012 ont ainsi un impact sur la responsabilité des constructeurs qui sera sans doute accentué dans le cadre du BEPOS dont le régime juridique reste cependant à définir.

I. Rappel des obligations légales imposées aux constructeurs par la RT 2012

a) Obligations de résultat et de moyens

Les obligations légales de la réglementation énergétique s’entremêlent avec des exigences techniques. Ces obligations résultent de l’article R. 111-20 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) qui impose aux constructeurs à la fois des obligations de résultats et de moyens qui n’entraînent pas les mêmes conséquences juridiques en termes de responsabilité.

Ces obligations de résultats permettent d’engager la responsabilité du constructeur sans démonstration d’une faute et sont calculées grâce à trois indicateurs : l’efficacité énergétique de l’enveloppe du bâtiment (Bbio), le confort d’été (Tic) et la consommation d’énergie primaire (Cep).

Au-delà des obligations de résultats, il existe un certain nombre d’obligations de moyens, exigeant la preuve d’une faute en lien avec le dommage pour engager la responsabilité du constructeur.

Ces obligations de moyen diffèrent selon le type de bâtiment construit et les constructeurs doivent tout mettre en œuvre pour les réaliser.

Afin d’assurer la conformité de cette réglementation, le législateur a souhaité mettre en place un certain nombre de contrôles et de sanctions, qui augmentent les possibilités de mise en cause de la responsabilité des constructeurs.

b) Contrôle de la RT 2012 avant et après travaux

Depuis le 1er janvier 2013, pour être recevable, le permis de construire doit être accompagné d’une « attestation de prise en compte de la RT 2012 » signée par le pétitionnaire (art. R. 111-20-1 CCH).

Cette attestation est constituée d’un récapitulatif standardisé de l’étude thermique dont le fichier informatique doit être annexé.

Le contrôle du respect de la réglementation, à cette étape, se fait nécessairement sur dossier, l’objectif étant de pouvoir vérifier si les prévisions de construction permettront de respecter les obligations imposées par la RT 2012.

Une seconde attestation doit être remise à la fin des travaux (art. R. 111-20-3 CCH). Elle est généralement établie par un diagnostiqueur, un organisme certificateur, un contrôleur technique ou un architecte (y compris celui ayant mené l’opération de construction) et doit être signée par le Maître d’ouvrage et jointe à la déclaration d’achèvement de travaux.

La réglementation étant très récente et en l’absence de jurisprudence, la question de la valeur juridique de ces attestations demeure.

c) Valeur juridique de l’attestation RT 2012

Selon une première hypothèse ce document constituerait un quitus attestant définitivement de la conformité de l’ouvrage à la RT 2012.

Selon une seconde hypothèse, cette attestation ne garantirait pas, contrairement à ce que son nom semble indiquer, le respect de la RT 2012, cette hypothèse semblant plus proche de la réalité.

En effet, dès lors que cette attestation peut être établie par le Maître d’œuvre ayant mené l’opération de construction, elle paraît dénuée d’objectivité. En effet, ce dernier ayant conçu l’ouvrage et suivi la réalisation du projet, il est peu probable qu’il atteste, en fin de travaux, du non-respect de la RT 2012, pourtant obligatoire.

Des désordres touchant la réglementation thermique pourraient également apparaitre après l’achèvement des travaux, engageant ainsi la responsabilité des constructeurs malgré la délivrance de l’attestation.

Enfin, et plus généralement, la RT 2012 répondant à la volonté du législateur de réduire les consommations d’énergie, il apparaît peu probable que cette volonté s’arrête à l’achèvement des travaux.

Au contraire, les obligations contenues dans la RT 2012 impliquent la construction d’un bâtiment neuf respectant de manière pérenne les exigences énergétiques fixées par la loi.

Dans ces conditions, si cette attestation n’est pas un quitus, et puisque la RT 2012 s’inscrit dans un régime juridique préexistant, le droit commun de la responsabilité des constructeurs viendra à s’appliquer.

A l’achèvement de l’ouvrage, un contrôle du respect de la réglementation thermique pourra être opéré par l’intermédiaire d’un contrôle du respect des règles de la construction (CRC) par la Direction départementale des territoires (DDT) dans le cadre des contrôles aléatoires des permis de construire prévus par l’article L. 461-1 du Code de l’urbanisme.

Ce contrôle peut intervenir dans un délai de trois ans à compter de l’achèvement des travaux et aboutir, en théorie, à la mise en œuvre de la responsabilité pénale et civile des constructeurs.

II. Impact de la RT 2012 sur la responsabilité des constructeurs

Le cadre légal de la RT 2012 rappelé, il convient de se pencher sur les sanctions pénales expressément prévues par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 en cas de non-respect de ces obligations, la responsabilité civile de droit commun des constructeurs pouvant également être engagée.

1) Les sanctions pénales

Selon certains auteurs, seules les obligations de résultats évoquées ci-dessus, à savoir le non-respect des trois indicateurs Cep, Bbio et Tic, seraient sanctionnées pénalement par le Code de la construction et de l’habitation. Les obligations de moyens, ne feraient l’objet, quant à elles, que d’une responsabilité civile de droit commun.

Toutefois, en l’absence de toute précision sur ce point dans le Code de la construction et de l’habitation, il convient d’établir une distinction en fonction du moment où les manquements ont été constatés et non en fonction de la nature de ces manquements.

a) Sanctions avant travaux

Comme évoqué précédemment, l’attestation dite de « prise en compte de la RT 2012 » fait l’objet d’un contrôle sur dossier, l’ouvrage n’étant pas encore réalisé.

A ce stade, le non-respect de la prise en compte dans le projet de construction des trois obligations de résultats (Bbio, Cep, Tic) peut être sanctionné par une interruption immédiate des travaux (art. L. 152-2 CCH). Si, malgré l’interruption, les travaux sont poursuivis l’article L. 152-3 du CCH prévoit que :

« [Les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou toute autre personne responsable de l’exécution de travaux] encourent un emprisonnement de trois mois et une amende de 45 000 € ».

b) Sanctions après travaux

Une fois les travaux achevés, en cas de non-conformité avec les obligations de la RT 2012, l’article L. 152-4 du CCH prévoit également une peine de 45 000 euros ainsi qu’une peine d’emprisonnement de six mois en cas de récidive. Les textes prévoient des sanctions complémentaires telles que l’affichage ou la diffusion par la presse écrite des sanctions liées au non-respect de la RT 2012 ainsi qu’une interdiction d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales.

Enfin, une mise en conformité des lieux ou la démolition de l’ouvrage peuvent être exigées et en l’absence d’exécution à l’expiration du délai fixé par le jugement, le maire peut y faire procéder d’office (art. L. 152-5 du CCH).

L’impact de ces sanctions pénales peut, toutefois, être relativisé.

En effet, concernant les obligations de résultats, les « attestations de prise en compte et de conformité » de la RT 2012 ne sont contrôlées qu’au regard d’estimations de consommations ou de températures, tel que précisé par l’arrêté du 11 octobre 2011 (JO 22 octobre 2011 p. 17924).

Ainsi, les contrôles ne portent pas sur les consommations ou températures réelles et ne seront pas mesurées in situ. Dès lors, seul devrait être opéré un contrôle visuel des équipements, nécessairement plus limité.

En revanche, il existe un plus grand risque pour les obligations de moyens pour lesquelles les contrôles sont plus aisés à opérer. Pour autant, la preuve de l’absence de mise en œuvre de tous les moyens pour les réaliser devra être rapportée.

En outre, ces contrôles, qui portent sur l’ensemble du bâtiment restent aléatoires et coûteux. Il est donc peu vraisemblable qu’ils soient opérés sur tous les bâtiments neufs.

2) Responsabilité civile

Le non-respect de la RT 2012 pourrait donner lieu à un engagement de la responsabilité des constructeurs en cas de dysfonctionnements après la réception légale des travaux.

Dans ce cadre, la possibilité de l’engagement de leur responsabilité biennale paraît incontestable (art.1792-3 du Code civil).

En effet, ce fondement de responsabilité concerne les éléments d’équipements dissociables du bâtiment, comme par exemple les chaudières. Il correspond donc parfaitement aux éléments devant être mis en place dans le cadre de la RT 2012.

La mise en œuvre de la garantie en cas de non-respect de la RT 2012 semble également envisageable, la condition étant que les désordres constatés rendent l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination.
A ce titre, la Cour de cassation a déjà adopté un raisonnement consistant à considérer que la simple non-conformité de l’ouvrage à certaines normes obligatoires suffit à caractériser une impropriété de l’immeuble concerné à sa destination.
Ce fût le cas avec les normes parasismiques (Cass. civ 3ème, 11 mai 2011, n°10-11.713).
Cependant la jurisprudence semble quelque peu fluctuante sur ce point.
Ainsi, la Cour d’appel de Paris, dans une décision du 6 juin 2006, a retenu la responsabilité décennale d’un constructeur après avoir simplement constaté une isolation non conforme à la norme obligatoire (Jurisdata n°308819).
De même, une certaine ligne de jurisprudence tend à admettre l’impropriété à sa destination de l’immeuble dès lors que l’ouvrage construit ne respecte pas la destination convenue entre les deux parties.
Cette jurisprudence est illustrée par deux arrêts :
– un arrêt de la Cour d’appel de Paris ayant retenu la responsabilité décennale de constructeurs en présence d’un simple déficit de performance énergétique de l’ouvrage (CA Paris, 29 mars 2000, RDI 2000 p.345) ;
– et un arrêt de la Cour de cassation qui retient la responsabilité décennale des constructeurs à la suite de dysfonctionnements de panneaux solaires destinés à assurer l’eau chaude sanitaire dans un ouvrage neuf et alors pourtant que le chauffage de cette eau pouvait facilement être obtenu au moyen de chauffe-eaux classiques qui prenaient le relais (Civ. 3ème, 27 septembre 2000, n°98-11.986).
L’idée qui transcende ces solutions est que, en s’accordant sur un bâtiment doté de certaines capacités énergétiques, les parties attribueraient à l’ouvrage une destination particulière, dont il conviendrait de tenir compte pour l’analyse de l’impropriété à la destination.
Plus récemment, la Cour de cassation a retenu qu’un défaut d’isolation, conséquence d’une mauvaise exécution et d’un non-respect de la réglementation thermique, rendait l’immeuble impropre à sa destination et relevait donc de la garantie décennale de l’article 1792 du Code civil (Cass. civ. 3ème, 7 juillet 2015, n°14-17916).
Depuis lors, la loi n°2015-992 du 17 août 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte a introduit l’article L. 111-13-1 du CCH qui précise les conditions dans lesquelles l’impropriété à destination peut être retenue en matière de performance énergétique, celles-ci étant :
– que le dommage résulte d’un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l’ouvrage, de l’un de ses éléments constitutifs ou de l’un de ses éléments d’équipement ;
– que ce défaut conduise, toute condition d’usage et d’entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant pas l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant.
L’application de la garantie décennale est ainsi encadrée en la matière et les juges déterminent souverainement la notion de « coût exorbitant ».
C’est ainsi que la haute juridiction civile a jugé récemment que le seul inconfort d’une surconsommation de chauffage invoqué par un maître d’ouvrage ne caractérise pas l’impropriété à destination de l’ouvrage situé en zone de montagne en altitude. En l’occurrence, la Cour d’appel avait justement relevé que le défaut d’isolation de la dalle n’était pas un désordre de nature décennale (Cass. civ. 3ème, 10 novembre 2016, n°15-24781).
A l’étude de ces jurisprudences, il semble donc qu’il pèse véritablement de nouveaux risques sur les constructeurs d’engagement de leur responsabilité décennale avec, néanmoins, un cadre légal laissant une marge d’appréciation aux juridictions.
L’évolution de ces risques avec le BEPOS ne sera visible qu’à l’occasion des premières applications de cette nouvelle réglementation plus exigeante.

Cyril CROIX – Avocat Directeur et Sara NOURI-MESHKATI – Avocat