le 12/07/2016

La nouvelle procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental

La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, publiée au Journal Officiel du 15 mars suivant et entrée en vigueur le 16 mars, a abrogé l’article 350 du Code civil relatif à la procédure de déclaration judiciaire d’abandon et y a substitué une procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental.

Cette nouvelle procédure a été introduite par l’article 40 de la loi du 14 mars 2016 et a été codifiée aux articles 381-1 et 381-2, du Code civil, au sein du titre IX relatif à l’autorité parentale.

S’agissant d’une loi d’état régissant l’état des personnes, la loi est d’application immédiate, donc applicable aux procédures en cours.

Nous allons nous attacher à étudier les conditions d’application de la déclaration judiciaire de délaissement parental (I), sa procédure (II) ainsi que ses effets (III).

I.    Conditions d’application de la déclaration judiciaire de délaissement parental

A.    Conditions posées par l’article 381-1 du Code civil

Le nouvel article 381-1 du Code civil dispose que :

« Un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui précède l’introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit ».

Cet article pose plusieurs conditions pour qualifier le délaissement parental :

•    les parents doivent ne pas avoir entretenu avec l’enfant les relations nécessaires à son éducation ou à son développement ;
•    l’enfant doit avoir été délaissé depuis au moins 1 an au jour de l’introduction de la requête ;
•    enfin, les parents ne doivent pas avoir été empêchés par quelle que cause que ce soit.

S’agissant de la première condition, est considéré comme délaissé un enfant dont les parents n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement.

La définition du délaissement parental est donc plus objective et repose sur l’absence d’exercice effectif de l’autorité parentale telle que définie dans le Code civil, notamment à l’article 371-1 alinéa 2 qui dispose que l’autorité parentale « appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement ».

La seconde condition est temporelle : les parents doivent avoir délaissé l’enfant depuis au moins un an.  

Cette condition n’a pas changé par rapport à l’ancien dispositif sur l’abandon judiciaire.

Ce critère d’une année est apprécié à la date de dépôt de la requête, ainsi que l’a énoncé la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 1er mars 1977 (Civ. 1ère, 1er mars 1977, N°74-15.144).

Enfin, la troisième condition posée par l’article 381-1 du Code civil est nouvelle par rapport à l’ancien dispositif, puisqu’il est désormais précisé que les parents ne doivent pas avoir été empêchés par quelle que cause que ce soit d’avoir entretenu avec l’enfant les relations nécessaires à son éducation ou à son développement.

Il s’agit ici de la consécration législative d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui avait ajouté, dès l’origine et de manière tout à fait conforme à l’esprit de l’ancien article 350 du Code civil, celle du caractère volontaire du désintérêt.

Le délaissement doit donc être volontaire et conscient.

A ces conditions s’ajoutent trois autres conditions posées à l’article 381-2 du Code civil.

B.    Conditions posées par l’article 381-2 du Code civil

La première condition est prévue au 1er alinéa dudit article, qui précise, et c’est une nouveauté par rapport à l’ancien dispositif, que des mesures appropriées de soutien aux parents doivent leur avoir été proposées.

Ce faisant, la loi impose désormais expressément à l’établissement ou au service départemental de l’Aide Sociale à l’Enfance qui a recueilli l’enfant de proposer des mesures appropriées de soutien aux parents avant de prendre la décision de déposer une requête en déclaration judiciaire de délaissement parental.

La deuxième condition est prévue au deuxième alinéa de l’article 381-2 du Code civil, qui précise que la simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée mais non suivie d’effet de reprendre l’enfant ne constituent pas un acte suffisant pour rejeter de plein droit une demande en déclaration de délaissement parental et n’interrompent pas le délai d’un an prévu par l’article 381-1 du Code civil.

Cette condition figurait déjà dans l’ancien dispositif relatif à l’abandon judiciaire.

Ainsi, le fait pour des parents de s’être manifestés auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance pour reprendre contact avec leur enfant, puis de le délaisser de nouveau ne fait pas obstacle à la procédure de déclaration de délaissement parental et n’interrompt pas le délai d’un an.

Enfin, la troisième condition est prévue au 3ème alinéa de l’article 381-2 du Code civil, qui précise que le délaissement parental n’est pas déclaré si, au cours du délai d’un an prévu par le texte, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant et si cette demande est jugée conforme à l’intérêt de ce dernier.

Là encore, cette condition figurait déjà dans l’ancien article 350 du Code civil.

C.    L’intérêt de l’enfant

Si l’intérêt de l’enfant n’est pas expressément cité dans les articles 381-1 et 381-2 du Code civil (hormis à l’alinéa 3 de l’article 381-2 évoqué précédemment), il représente néanmoins la philosophie générale de la loi.

En effet, l’intérêt de l’enfant doit toujours être pris en considération par le Juge, et ce même lorsque les conditions d’application des articles 381-1 et 381-2 du Juge civil sont réunies.

Ainsi, dans un arrêt en date du 3 décembre 2014, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a approuvé la décision des Juges du fond qui avaient considéré que la déclaration judiciaire d’abandon n’était pas conforme à l’intérêt de l’enfant (Civ. 1ère, 3 déc. 2014, n° 13-24.268).

La Cour de cassation semble lier le prononcé de l’abandon judiciaire – désormais du délaissement parental –  à la possibilité pour l’enfant d’être adopté.

Il convient à présent d’aborder les aspects procéduraux majeurs du nouveau dispositif.

II.    Aspects procéduraux de la déclaration judiciaire de délaissement parental

Les personnes ou institutions pouvant présenter la demande sont envisagées à l’article 381-2 alinéa 1 du Code civil.

Ce dernier dispose que :

« La demande en déclaration de délaissement parental est obligatoirement transmise, à l’expiration du délai d’un an prévu à l’article 381-1, par la personne, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant, après que des mesures appropriées de soutien aux parents leur ont été proposées. La demande peut également être présentée par le ministère public agissant d’office ou, le cas échéant, sur proposition du Juge des enfants ».

Cet article pose donc deux types d’entités habilitées :

•    d’une part la personne, l’établissement ou le service départemental de l’Aide Sociale à l’Enfance qui a recueilli l’enfant ;
•    d’autre part le Ministère public.

La deuxième catégorie constitue une nouveauté de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

Le Ministère public peut désormais présenter une demande en déclaration judiciaire de délaissement parental soit d’office, soit sur proposition du Juge des enfants lorsque ce dernier l’avise de la situation de délaissement d’un enfant.

Il s’agissait d’une préconisation des experts et professionnels, afin de permettre de faciliter le recours à la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental.

La demande en déclaration judiciaire de délaissement parental est transmise par requête déposée auprès du Juge aux affaires familiales devant le Tribunal de Grande Instance du lieu où demeure l’enfant ; lorsqu’elle émane du service de l’Aide Sociale à l’Enfance, elle est portée devant le Tribunal de Grande Instance du chef-lieu du département dans lequel l’enfant a été recueilli.

Par ailleurs, le délai d’appel n’a pas été modifié par rapport à l’ancien dispositif sur l’abandon judiciaire et demeure d’un mois à compter de la signification de la décision.

III.    Effets de la déclaration judiciaire de délaissement parental

La déclaration judiciaire de délaissement parental a d’abord pour conséquence de déléguer l’autorité parentale à l’entité ayant recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié.

L’article 381-2 alinéa 5 dispose en effet que :

« Lorsqu’il déclare l’enfant délaissé, le tribunal délègue par la même décision l’autorité parentale sur l’enfant à la personne, à l’établissement ou au service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié ».

Cette délégation de l’autorité parentale concerne une période transitoire, destinée à gérer la vie de l’enfant jusqu’à son adoption.

En effet, la déclaration judiciaire a également pour effet de rendre l’enfant immédiatement adoptable.

Cette seconde conséquence est prévue à l’article 347 du Code civil, lequel dispose que :

« Peuvent être adoptés :
1° Les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l’adoption ;
2° Les pupilles de l’Etat ;
3° Les enfants déclarés abandonnés dans les conditions prévues par aux articles 381-1 et 381-2 ».

Entérinant la pratique jurisprudentielle, la nouvelle procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental vise à corriger les lacunes de l’ancien dispositif afin de permettre aux institutions de protection de l’enfance de disposer de meilleures armes pour offrir aux enfants délaissés l’accès à un nouveau projet de vie.

Claire-Marie DUBOIS-SPAENLE et Nadia TAILLEBOIS-ZAIGER
Avocats à la cour