le 05/07/2016

Fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité : le Conseil d’Etat précise les règles à respecter : principe de sécurité juridique et rattrapage tarifaire suffisant

CE, 15 juin 2016, Association nationale des opérateurs détaillant en énergie (ANODE), n° 386078 (relatif à l’arrêté du 30 octobre 2014)

CE, 15 juin 2016 Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE),  n° 383722 (relatif à l’arrêté du 28 juillet 2014)

Ces deux décisions font suite à deux recours déposés devant le Conseil d’Etat par l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), qui défend les intérêts des fournisseurs alternatifs d’électricité.

Les recours étaient dirigés contre deux arrêtés ministériels distincts, le premier en date du 28 juillet 2014 et le second, en date du 30 octobre 2014. Ces arrêtés avaient été pris en application de la réglementation applicable en 2013 et jusqu’au 31 octobre 2014 pour la fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité (Code de l’énergie et décret n° 2009-975 du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité).

S’agissant de l’arrêté du 28 juillet 2014, il était venu modifier l’arrêté du 26 juillet 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité. Il avait ainsi annulé l’évolution à la hausse des tarifs réglementés de vente « bleu » prévue initialement au 1er août 2014 (article 6 de l’arrêté du 26 juillet 2013).

En effet, l’article 6 de l’arrêté du 26 juillet 2013 avait prévu que « les barèmes du Tarif Bleu, tels qu’annexés, sont augmentés de 5 % en moyenne à compter du 1er août 2014. Ce niveau sera ajusté en fonction de l’évolution effective des coûts sur la période tarifaire concernée».

L’arrêté du 28 juillet 2014 avait alors supprimé cette mention qui visait à instaurer un rythme prédéfini d’augmentation à compter du 1er août 2014.

L’ANODE avait contesté l’abrogation ainsi décidée le 28 juillet 2014, soit seulement 3 jours avant son entrée en vigueur prévue.

Dans sa décision n° 383722, le Conseil d’Etat a accueilli la requête de l’ANODE et fait application du principe de sécurité juridique. La Haute Juridiction a ainsi relevé l’importance du niveau des tarifs bleus pour l’activité des fournisseurs d’électricité et du contenu des offres qu’ils proposent, en ces termes :

« Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point précédent, en vertu des dispositions de l’article 6 de l’arrêté du 26 juillet 2013 les ministres chargés de l’économie et de l’énergie devraient adopter un nouvel arrêté fixant les tarifs réglementés « bleus » applicables à compter du 1er août 2014 ; que cet arrêté devait prévoir une évolution de ces tarifs conforme aux principes énoncés au point 2 ; que, dans l’hypothèse où l’application de ces principes aurait conduit à une hausse moyenne des tarifs « bleus » inférieure à 5 %, l’arrêté du 26 juillet 2013 imposait de fixer le niveau de cette hausse, en moyenne pour l’ensemble des tarifs « bleus », à 5 % ; que l’arrêté attaqué abroge ces dispositions trois jours seulement avant le 1er août, à une date où les fournisseurs d’électricité avaient pu déjà anticiper pleinement les effets de leur mise en œuvre ; que, dans ces circonstances particulières, et compte tenu de l’importance du niveau des tarifs réglementés « bleus » pour l’activité des fournisseurs d’électricité et le contenu des offres qu’ils proposent, l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe de sécurité juridique, alors même qu’un communiqué de presse du 19 juin 2014 en a annoncé le principe ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, cet arrêté doit être annulé […] ».

A la suite de cette annulation, le Conseil d’Etat a enjoint aux Ministres chargés de l’économie et de l’énergie de prendre un arrêté fixant, à titre rétroactif, les tarifs réglementés de vente de l’électricité « bleus » applicables du 1er août 2014 au 31 octobre 2014, veille de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté tarifaire du 30 octobre 2014. Ces tarifs devront permettre au moins la couverture des coûts moyens complets supportés par les fournisseurs historiques à la date du 1er août 2014, prendre en compte l’estimation de l’évolution de ces coûts sur la période tarifaire en cause et, enfin, ajuster les tarifs au titre de la modulation dite de « rattrapage ». Ces tarifs devront ainsi prévoir une hausse tarifaire moyenne de 5 %.

S’agissant de l’arrêté du 30 octobre 2014, il avait fixé les tarifs réglementés de vente d’électricité, « bleu » (pour les clients résidentiels et les petites entreprises), « jaune » (pour les entreprises moyennes) et « vert » (pour les entreprises électro-intensives), applicables du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015.

Cet arrêté avait alors entraîné, au 1er novembre 2014, une augmentation des tarifs réglementés de vente d’électricité de 2,5 %, censée rattraper le gel tarifaire décidé par l’arrêté précédent.

Estimant cette hausse insuffisante, l’ANODE avait alors sollicité la suspension et l’annulation de l’arrêté devant le Conseil d’Etat. Le référé-suspension avait été rejeté en janvier 2015 (1) . Statuant au fond, le Conseil d’Etat a partiellement accueilli  la requête de l’ANODE en jugeant que les tarifs « bleus résidentiels » et les tarifs « verts » ont été fixés à un niveau insuffisant au regard des règles de rattrapage applicables. En revanche, il a estimé que les tarifs « bleus non résidentiels » et « jaunes » avaient été fixés à un niveau suffisant.

En raison de l’annulation de ces deux arrêtés, le Juge administratif a enjoint aux ministres de prendre, dans un délai de 3 mois, un nouvel arrêté fixant une augmentation rétroactive desdits tarifs pour la période comprise entre le 1er novembre 2014 et le 31 juillet 2015.

(1) Cf. notre précédent article dans la LAJEE de juin 2015 : LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE LA NOUVELLE MÉTHODE DE FIXATION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE DE L’ÉLECTRICITÉ – 4  juin 2015 – CE, Ordonnance, 7 janvier 2015, ANODE, n° 386076